Pendant que quelques clowns tristes s’agitent devant les yeux hagards de Français de plus en plus déboussolés, le monde continue de tourner et la France de faire des choix discutables, notamment en matière de lutte contre les problèmes de logements ou, plus précisément à Paris, de lutte contre les sans domiciles.
Oui, vous avez bien lu : la très socialiste et très citoyenne ville de Paris, ses services et ses espaces publics multiplient les dispositifs destinés à lutter contre les vagabonds, ceux qu’on appelle pudiquement « sans-domiciles fixes » à force d’en voir toujours plus et de ne pas trouver (pas chercher ?) de solution pour en résorber le nombre.
Si ce sont des artistes qui s’étonnent, sur un site web dédié, de milliers de dispositifs destinés à empêcher les SDF de se faire un nid dans des lieux improbables, tous les Parisiens ont largement eu le temps de noter, bien avant eux, la multiplication des œuvres étranges et autres ferrailles improbables sur certains rebords, certains renfoncements d’immeubles ou l’apparition de plantes vertes encombrantes ou de bidules artistico-intemporels sous des cages d’escalier, en passant par les insupportables casse-culs de la RATP.
Cela n’a rien de fortuit : dans la plupart des cas, quand il ne s’agit pas d’empêcher l’éventuel pigeon de venir déféquer sur un bord de fenêtre, le bricolage de ferronnerie ouvragée sert aussi pour interdire toute possibilité de s’asseoir ou de s’allonger durablement. L’un des artistes du collectif, humidement interrogé par les journalistes de France-3, commente ainsi l’
« instrumentalisation de l’esthétique pour masquer la véritable fonction de ces installations, violente et un peu abjecte. Le but est d’euphémiser, de minimiser la violence de ces installations, en essayant de rendre invisible les fins politiques : empêcher aux personnes sans abri de se poser. »
Cependant, là où ces dispositifs se comprennent assez facilement dans le cas de propriétés privées et entretenues, généralement à grand frais surtout lorsqu’on se situe à Paris, par des individus soucieux de valoriser leurs biens, on ne peut que s’interroger sur les mêmes méthodes employées dans les espaces publics. Et quand, justement, on pose la question (ici, à la RATP), on obtient une réponse avec une forte dose d’hypocrisine (une substance mixée pour adoucir le goût amer de la moraline toujours présente) :
« Ces nouvelles assises offrent une possibilité de s’asseoir à tous les voyageurs et facilitent le nettoyage. »
Diable, voilà que le vivrensemble, proclamé à coup d’affiches ultra-« créatives » où la réalité n’a pas cours, ne serait pas total et qu’il s’exprimerait de façon un peu rêche à l’endroit des plus défavorisés de notre société ? Comment, madame Hidalgo, ceci est-il possible dans votre Paris du XXIème siècle, tout frétillant d’aménagements paisibles, de transports câlins et d’opportunités olympiques planifiées ?
Il est vrai que ces services, précisément ouverts au public, se trouvent au milieu de contraintes opposées : d’un côté, on leur demande avec insistance de continuer à rendre un service à tous et notamment ceux qui paient (parfois), et de l’autre, on leur demande de prétendre être au service de tous, solidaire, citoyen, éco-friendly et festif. Ce qui les amène inévitablement à cumuler avec discrétion mais obstination des méthodes passives-agressives contre les SDF qu’il ne peuvent pas gérer.
Et le problème est de pire en pire puisque, par nature, le socialisme en produit tous les jours par trouzaines vibrantes : alors que les besoins dans ces services publics augmentent, que les aménagements se multiplient et que les ponctions pour les financer explosent donc joyeusement, de nouveaux SDF apparaissent à leur tour pour venir s’étaler sur ces aménagements. Zut alors, on dirait presque qu’ils le font exprès !
Pire encore (si c’était possible), à mesure que les techniques pour repousser ces SDF se font plus agressives, ces SDF sont eux aussi de plus en plus agressifs. On dirait presque un cercle vicieux, un de ceux dans laquelle s’enfonce pourtant avec délice une partie du peuple français quand il réclame toujours plus de ces « solutions » à ces problèmes mal analysés.
Car en fait d’analyse, il n’y a rien. On multiplie les vexations, les interdictions et les dispositifs pointus ou pentus, mais on ne cherche pas à comprendre pourquoi tant de SDF sillonnent les rues de la capitale.
Peu évoquent le prix des logements, qui semblerait presque être la cause-mère de ces misères, et seulement pour souhaiter que l’Etat intervienne encore pour fixer le prix des loyers, par exemple. Pourtant, force est de constater que les locataires sont déjà sur-favorisés, que le rendement immobilier est devenu catastrophique pour les propriétaires, que l’urbanisme accumule les normes et contraintes délirantes qui ralentissent la construction, que l’ultra-sécurité recherchée par tous (par les banques lors des emprunts, lors de l’établissement des contrats de locations par le propriétaire, etc…) n’améliore rien et que tous ces éléments entraînent tous les prix à la hausse de façon explosive.
Encore moins nombreux sont ceux qui notent qu’avec des transports en commun pourris (merci Anne Hidalgo), la multiplication de bouchons automobiles dantesques (merci Anne Hidalgo), l’explosion des taxes foncières et d’habitation (merci Anne Hidalgo), tout est fait pour imposer une forte concentration là où le travail est disponible (ce qui entraîne un étalement urbain ultra contraint). Là encore, tout le monde, désirant éviter des heures de transports, souhaite habiter proche de son lieu de travail, poussant là encore les prix à la hausse.
Enfin, avec un chômage endémique, consciencieusement entretenu par une clique politique dogmatiquement congelée dans le marxisme, ses 35 heures, sa transition énergétique débile, ses contraintes environnementales ahurissantes, ses charges sociales invraisemblables et ses douzaines d’autres marottes économiques ruineuses, difficile de favoriser l’installation d’une classe ouvrière ou moyenne, la plus sujette à l’incident immobilier, dans des endroits aussi convoités que le bassin d’emplois parisien…
Ces éléments ne font bien évidemment pas partie de la réflexion : comme d’habitude en France, on préfère de loin corriger vaguement les symptômes d’un problème plutôt qu’en corriger les causes, tout en générant au passage d’autres problèmes à la suite. Et quand on décide d’analyser un peu le problème, c’est pour amener des « solutions » qui ont toutes largement été testées par ailleurs et ont déjà prouvé leur nocivité.
En attendant, les zartistes contemporains spécialisés dans les bancs stylés mais inconfortables ont de beaux jours devant eux.
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