L’exercice réclame certainement un peu d’entraînement. D’un oeil, suivre sur grand écran le débat des cinq principaux candidats à la présidentielle; de l’autre consulter le fil des tweets qui s’égrènent sur un deuxième écran; et dans le même temps, écrire ses propres messages en 140 caractères maximum.
Elles sont quelque quatre-vingt personnes en ce lundi 20 mars, à se livrer à cette gymnastique un peu particulière, derrière le grand mur du Tank, rue des Taillandiers à Paris, espace de « coworking » et d’évènements qui accueille la soirée. Quatre-vingt représentants d’Organisations Non Gouvernementales, parfois là en leur nom propre seulement, venus assister et commenter le débat.
Il y a là l’UNICEF et Greenpeace, Emmaüs et le Collectif Roosevelt, Réseau Action Climat (RAC), Médecins sans Frontières, et la Fédération des usagers de la bicyclette. Vingt-trois ONG au total (1), pour une assemblée mosaïque. A chacune ses revendications, ses priorités, ses sujets. A chacune, par ailleurs, ses moyens d’action. A chacune ses mots clefs et ses tags, jamais très loin l’un de l’autre: environnement, solidarité, décroissance. Mais toutes rassemblées ce soir-là autour d’une idée commune: faire entendre la voix de la société civile, et peser sur le débat en ligne.
« Faire émerger des thématiques hors les partis politiques », ajoute Nicolas Vanbremeersch, président de l’agence Spintank et du Tank, organisateur de la soirée.
Alexis Chailloux, responsable digital à Greenpeace: « le but n’est pas forcément de faire changer d’avis ou de vote. Mais de dire aux hommes politiques écoutez-nous, car sur le terrain nous sommes confrontés tous les jours aux problèmes, aux difficultés, aux questions, et nous avons pratiquement toujours des solutions qui fonctionnent ».
Dans la salle, on s’installe, on branche les ordinateurs, on publie ses premiers tweets. Le hashtag du soir: #AlterQG. A associer au « mot-dièse » officiel #LeGrandDebat, ou #DébatTF1, ou encore #Présidentielle2017 de sorte que les messages du Tank puissent s’immiscer, résonner, rayonner, et se diffuser par capillarité. Chacun compte aussi sur la mobilisation de son réseau pour donner de l’écho à ses posts. « Il faut mutualiser nos forces », résume Alexis Chailloux. C’est que les candidats disposent désormais d’équipes musclées et qui savent y faire en matière de diffusion virale.
La #transitionEcologique et écologique peut créer des centaines de milliers d’emplois dans les #ENR, l’#agroécologie #LeGrandDebat #AlterQG pic.twitter.com/9YS6e6hxP7
— Réseau Action Climat (@RACFrance) 20 mars 2017
Il est 21 heures, le débat peut commencer. Rue des Taillandiers, la parole et le geste se mélangent rapidement aux courts messages digitaux. On pouffe doucement, quand Emmanuel Macron, crispé « comme s’il passait un entretien d’embauche » semble d’accord avec tout et tout le monde. On applaudit à l’évocation de la migration climatique évoquée par Benoit Hamon, on se fâche franchement et on siffle au glissement thématique qui fait passer de la délinquance à l’immigration, de l’immigration à la sécurité, puis à la laïcité et au terrorisme. Sur le réseau, le Collectif Roosevelt tente essentiellement de rectifier les chiffres et les informations fantaisistes qui servent pourtant de levier à la démonstration des candidats.
Ainsi, rappelle le collectif, « contrairement aux idées reçues, ce sont les Allemands qui ont passé le moins de temps au travail en 2015 selon l’OCDE ».
Au détour de chaque phrase, chaque intervention, les ONG de la rue des Taillandiers guettent le mot clef, traquent le verbe qui annoncerait l’arrivée du sujet au centre du débat.
En vain. « L’écologie a été moins évoquée ce soir que durant la primaire de la Droite », remarque un participant. « Nous on en parlera et on continuera d’en parler », ajoute un autre « twittos » du soir.Le débat a débordé mais qu’importe: rendez-vous est déjà pris pour le prochain. Où une fois encore la société civile aura son mot à dire, au moins sur les réseaux sociaux.
#LeGrandDebat On espère que l'urgence écologique aura 1 bonne place ds les débats. Pr réviser qui dit quoi #AlterQG https://t.co/rRXH4e9NuM
— Greenpeace France (@greenpeacefr) 20 mars 2017
(1) Sherpa, Fondation Nicolas Hulot, Collectif Roosevelt, Zero Waste France, Action contre la Faim, CCFD-Terre Solidaire, Médecins du Monde, ATD Quart-Monde, WWF, Médecins sans Frontières, UNICEF France, Greenpeace France, Oxfam, Emmaüs France, Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie – ANPA, Revue Partagée MNCP, REFEED, Institut de l’Entreprise, Transparency International, le Tank, Réseau Action Climat, FIDH, Fédération française des Usagers de Bicyclette.