Mahmoud Darwicht extrait de: "La terre est étroite et autres poèmes."
" On dit que la poésie se définit par son contraire.
Mais quel est le contraire de la poésie ?"
Mahmoud Darwicht
"Si la musique doit mourir
Si 'amour est oeuvre de Satan
Si ton corps est ta prison
Si le fouet est ce que tu sais donner
Si ton coeur est ta barbe
Si ta vérité est un voile
si ton refrain est une balle
Si ton chant est une oraison funèbre
Si ton faucon est un corbeau
Si ton regard est frère de la poussière
Comment peux-tu aimer le soleil dans ta tanière?
Si ton ciel n'aime guère les cerfs-volants
Si ta terre est un champ de minesSi ton vent est alourdi par la poudre
et non par le pollen fécond
Si ton mûrier est une potence
Si ta porte est un barrage
Si ton lit est une tranchée
Si ta maison est un cercueil
Si ton fleuve coule de sang
Si ta neige est un cimetière
Comment peux-tu aimer l'eau de la rivière?
Si ton village est une caserne
non un nid pour les hirondellesSi ta maison est une caverne
Si ta source est un mirage
Si ton habit est un linceul
Si ta mort est ton mausolée
Si ton Coran est un turban
Si ta prière est une guerre
Si ton paradis est un enfer
Si ton âme est ta sombre geôlière
Comment peux-tu aimer le printemps?"
Tahar Beckri extrait de: "Si la musique doit mourir"
Portrait par © David Mc EWEN
"Je ne sais ce qui me possède
Et me pousse à dire à voix haute
Ni pour la pitié ni pour l'aide
Ni comme on avouerait ses fautes
Ce qui m'habite et qui m'obsède
Celui qui chante se torture
Quels cris en moi quel animal
Je tue ou quelle créature
Au nom du bien au nom du mal
Seuls le savent ceux qui se turent
Machado dort à Collioure
Trois pas suffirent hors d'Espagne
Que le ciel pour lui se fît lourd
Il s'assit dans cette campagne
Et ferma les yeux pour toujours
Au-dessus des eaux et des plaines
Au-dessus des toits des collines
Un plain-chant monte à gorge pleine
Est-ce vers l'étoile Hölderlin
Est-ce vers l'étoile Verlaine
Marlowe il te faut la taverne
Non pour Faust mais pour y mourir
Entre les tueurs qui te cernent
De leurs poignards et de leurs rires
A la lueur d'une lanterne
Étoiles poussières de flammes
En août qui tombez sur le sol
Tout le ciel cette nuit proclame
L'hécatombe des rossignols
Mais que sait l'univers du drame
La souffrance enfante les songes
Comme une ruche ses abeilles
L'homme crie où son fer le ronge
Et sa plaie engendre un soleil
Plus beau que les anciens mensonges
Je ne sais ce qui me possède
Et me pousse à dire à voix haute
Ni pour la pitié ni pour l'aide
Ni comme on avouerait ses fautes
Ce qui m'habite et qui m'obsède."
Louis Aragon -extrait de "Prologue"