En huit ans, plus de 600 usines ont disparu du paysage national, sachant que cette statistique morbide est un résultat net entre ouvertures et fermetures.
Pas d’industries sans services publics et pas de services publics sans industries: certains n’y verront qu’un slogan arraché à des cerveaux archaïques ; d’autres, comme nous l’avons lu récemment sous la plume d’un chroniqueur d’un quotidien du soir, une forme de «populisme industriel»… De l’insulte à la connerie, le libéralisme conduit à tout. Et même au déni de réalité. Ce sera d’ailleurs le sens de la journée d’action conduite par la CGT, ce mardi: convaincre que l’industrie doit redevenir le pilier de notre économie, donc, pour y parvenir, s’en donner les moyens et se doter d’une volonté politique capable d’inverser un processus dramatique. N’en déplaise aux éditocrates, qui ne mesurent la puissance de la France qu’à son nombre d’ogives nucléaires et à son strapontin à l’Otan, le poids de l’industrie reste un bon baromètre pour jauger l’état d’un pays comme le nôtre. Prenons trois chiffres donnés par le même quotidien du soir, pas plus tard qu’hier (comme quoi). En huit ans, plus de 600 usines ont disparu du paysage national, sachant que cette statistique morbide est un résultat net entre ouvertures et fermetures. Du jamais-vu. En quinze ans, sous le joug des actionnaires, un million d’emplois ont été sacrifiés dans ce secteur. Quant à la part de l’industrie dans la richesse nationale: 25% dans les années 1960, 12% aujourd’hui. Résultat, du chômage de masse, un déficit commercial chronique, des champions nationaux qui passent sous contrôle étranger, des territoires entiers dévitalisés, avec toutes les conséquences… Bref, une saignée historique.Il n’y a aucune vision passéiste du tertiaire à réaffirmer haut et fort que l’industrie crée de véritables richesses, contrairement aux services et à l’ubérisation de la société. Face au monde qui vient, face à la robotisation des outils qui pourrait détruire des millions de postes en France, face aux économies globalisées qui nourrissent la montée des périls, la nécessité d’un grand projet industriel innovant – débarrassé des requins de la finance – s’avère d’une urgence absolue. En pleine campagne électorale, voilà bel et bien une question politique majeure. Ne soyons pas fous: notre avenir en dépend!
[EDITORIAL publié dans l’Humanité du 21 mars 2017.]