En 1987, suite à une tempête, des vestiges archéologiques sont découverts au Rocher de l'Impératrice. Les fouilles vont révéler un abri-sous-roche, puis, en 2013, une équipe d'archéologues exhume des silex travaillés en pointes de flèches, des couteaux et des outils. Ils trouveront aussi des plaquettes de schiste de 15 à 30cm de long portant des gravures de chevaux et d'aurochs. Le tout datant de 14000 ans !
Le développement de l'Azilien en Europe de l'Ouest il y a 14000 ans est considéré comme une "révolution" en archéologie du paléolithique supérieur. L'un des éléments de cette rapide restructuration sociale est l'abandon de l'art figuratif naturaliste sur des pièces portables ou les murs des grottes au cours du Magdalénien en faveur du expression abstraite sur de petits cailloux.
De récents travaux montrent que la transformation des sociétés humaines entre le Magdalénien et l'Azilien a été plus graduel. La découverte de ce nouveau site de l'Azilien ancien avec des pierres décorées accrédite cette hypothèse.
Alors que de grands changement dans la technologie de la pierre taillée, entre le Magdalénien et l'Azilien, marquent clairement d'importants changement adaptatifs, la découverte des 45 tablettes de schiste gravées, provenant de couches archéologiques du Rocher de l’Impératrice, atteste de la continuité iconographique avec une valorisation particulière des aurochs, comme le montre celle représentant un auroch "rayonnant".
Cet élément suggère que certaines caractéristiques culturelles, comme l'iconographie, ont pu survenir bien après les changements technologiques.
Les auteurs soutiennent également que le changement éventuel de l'expression symbolique, qui comprend la disparition ultérieure de l'art figuratif, donne une nouvelle idée de la restructuration probable des sociétés.
Les fouilles sur le terrain
Le Rocher de l’Impératrice est fouillé depuis 2013, tous les étés, et les investigations sont toujours en cours. C'est un petit abri-sous-roche d'environ 10m de long, 3m de profondeur et 2m de haut situé près de Plougastel-Daoulas à l'extrémité ouest de la Bretagne.
En raison de la position du site au pied d'une falaise de quartzite au milieu d'une forêt, aucun équipement mécanique n'est utilisé pour l'excavation du site.
Jusqu'à présent ce sont 45 morceaux de pierres décorées qui ont été trouvés sur le site. A une exception près, ils semblent tous être de petits fragments minces provenant d'anciennes plaques plus grandes. 43 morceaux font moins de 10cm, 29 moins de 5cm.
Compte tenu de l'état de fragmentation, les ébauches sélectionnées semblent provenir de grandes pierres, comme le montre la seule pièce complète de près de 30 cm de long
Une grande tablette représente quatre des cinq chevaux reportés. Trois sujets sont regroupés d'un côté: deux sont visibles en miroir dans une composition inhabituelle. Ils remplissent l'espace et semblent utiliser les bords comme lignes de fond. Ils sont représentés en pleine longueur comme l'animal isolé de l'autre côté. Entre les jambes d'un des grands chevaux apparait la tête d'un quatrième cheval. Cette position et la dissemblance de taille donnent l'impression d'un jeune poulain entre les jambes d'un adulte, son aspect juvénile est renforcé par son design simplifié. Les trois autres animaux présentent un rendu très semblable caractérisé par une forte tendance naturaliste. Les corps sont complets, bien proportionnés et bien faits.
L' «auroch rayonnant»: une valorisation symbolique particulière des aurochs ?
Même s'ils sont dépassés en nombre par les gravures de chevaux dans l'assemblage, la représentation des aurochs semble avoir un accent particulier. Deux aurochs restreints aux têtes sont en opposition sur les côtés opposés du fragment 317. Les gravures sont larges et profondes avec la recherche d'un effet de champlevé. Un côté porte une composition spéciale avec la tête d'un taureau dont le profil gauche est entouré par des rayons profonds créant un effet visuel en surbrillance. Aucun «animal rayonnant» équivalent n'a été trouvé dans l'iconographie paléolithique européenne à ce jour.
L'étude technologique de cette pièce montre une organisation intentionnelle des gestes afin de souligner la place centrale des aurochs.
Un modèle très semblable de rayons grands et profonds se retrouve sur un autre petit fragment, suggérant que d'autres figures rayonnantes ont pu être représentées. L' «auroch rayonnant» pourrait ne pas être le seul.
Les 45 fragments de pierre gravée du Rocher de l'Impératrice sont les plus anciens restes graphiques en Bretagne et se révèlent exceptionnels pour l'Azilien Ancien. En France, moins d'une douzaine de sites ont livré des objets décorés liés à ce techno-complexe, la plupart provenant de contextes incertains. Parmi elles, seules trois collections d'art mobile peuvent être clairement attribuées à cette culture: les 82 artefacts lithiques gravés du Murat, les cinq éclats gravés de Le Closeau, un caillou gravé de Bois-Ragot.
Merci à Steven Plet, Patrice Le Monnier et Quentin pour l'info !
Sources et plus d'informations:
- Plos One: "Divergence in the evolution of Paleolithic symbolic and technological systems: The shining bull and engraved tablets of Rocher de l'Impératrice"
- Le Figaro: "Incroyable découverte préhistorique à Plougastel-Daoulas"
- Le Télégramme: "Rade de Brest. Un trésor archéologique mis au jour"
- Ouest France: "Près de Brest, une découverte archéologique majeure"
- Le Monde: "Finistère : découverte de tablettes gravées vieilles de 14 000 ans"