En 2011, le dandy de la littérature française Frédéric Beigbeder publie Premier inventaire après l’apocalypse. Dans ce livre, il se propose de sauver 100 œuvres de ce qu’il appréhende alors comme une apocalypse. J’ai nommé l’édition numérique. 6 ans après la parution de cet essai, le Délit vous propose un retour sur les évolutions récentes du marché de l’édition, et sur une apocalypse qui n’aura pas lieu, chiffres à l’appui !
La prudence grandit sur le marché de l’édition numérique
En 2010, l’engouement autour du marché de l’édition numérique est grand. Cette dernière est alors vue comme la relève de l’édition papier, celle qui permettra à la littérature de demeurer. En effet le format numérique doit offrir de nouvelles perspectives de croissance à un marché en berne, puisque l’on constatait alors une diminution du nombre de lecteurs, notamment du fait des nouvelles générations, qui, pensait-on se désintéressaient de la lecture. L’expansion rapide de ce format sur le marché américain, où il se vendait déjà plus de 200 millions de lecteurs numériques, laissait présager un dynamisme similaire au pays de Molière. Mais cela n’était pas au goût de tout le monde, et notamment de notre Frédéric Beigbeder national, qui y voyait alors un danger pour la littérature, et plus généralement pour notre culture. L’édition numérique divisait donc, avec d’une part ses défenseurs se basant sur l’aspect économique, et d’autre part, ses détracteurs se basant, quant, à eux sur la perte culturelle inhérente à ce type de publication.
Après quelques années on peut désormais conclure que ce remplacement du livre papier par le livre numérique n’aura pas lieu. En effet, l’édition numérique ne représente en 2016 que 5% du chiffre d’affaire global de l’édition en France selon KPMG. Entre 2014 et 2015, la progression du chiffre d’affaires pour le secteur n’est ainsi que de 1%, s’établissant alors à un nombre de 164 millions d’euros générés. Et malgré la croissance à deux chiffres que connaît aujourd’hui encore en 2016 le format numérique, les éditeurs français revoient tour à tour à la baisse les perspectives de croissance sur ce marché.
L’autre indicateur démontrant notre propos est la proportion d’éditeurs qui ne possèdent toujours pas en 2016 d’offre numérique. Ils sont en effet plus d’un tiers à ne pas proposer d’édition numérique, et plus fort encore, la majorité de ceux-ci ne prévoient pas d’en développer une. La part des 4 milliards d’euros de chiffre d’affaires de l’édition issue de la vente d’ouvrages dématérialisés est donc aujourd’hui faible et le sera toujours demain. Le livre papier est irremplaçable aux yeux des Français, pour le plus grand bonheur de Frédéric Beigbeder.
Dans les pays anglo-saxons qui sont les pays précurseurs en matière d’édition numérique, on remarque même un recul de celle-ci au profit de l’édition traditionnelle. Ainsi, selon le rapport publié par Nielson en 2015, les ventes d’ebooks ont enregistré une baisse de 13%, et le nombre de téléchargements sur les liseuses kindle a plongé de près de 23%. À côté de cela, le marché de l’édition papier connait une embellie avec 653 millions d’unités supplémentaires vendues par rapport à l’année précédente. La conclusion de ce rapport met en lumière que ces phénomènes croisés peuvent être imputés à une augmentation de 25% du prix moyen des ebooks, passant ainsi de 8$ à10$.
Le marché français de l’édition en bonne santé
Si le remplacement du livre papier par le livre numérique n’aura pas lieu, la disparition du livre tant redoutée par les plus pessimistes semble belle et bien aujourd’hui être une hypothèse erronée. À ce titre on s’aperçoit que sur les 7,69 milliards d’euros que représentent en France le marché de l’« entertainment », 53% sont issus de la vente de livres. Le chiffre d’affaires du secteur de l’édition dans sa globalité est ainsi de 4 milliards d’euros en 2015 soit une hausse de 1,5% par rapport à 2015. C’est donc la fin d’une tendance baissière qui durait depuis quelques années et qui était annoncée par certains comme inévitable.
Malgré une baisse du temps consacré à la lecture, 85% des Français se considèrent comme des lecteurs. Le marché du livre a ainsi encore quelques belles années devant lui. Et cela d’autant plus la France sait s’exporter en matière de littérature, en effet les éditeurs réalisent plus de 690 millions de leur chiffre d’affaires par l’exportation de livres. Cela représente une augmentation de 0,5%, laquelle est principalement due à une hausse de 2,3% des exportations lorsque l’on exclut les Dom-Tom.
L’un des autres sauveurs du marché de l’édition est le livre de poche, et ses encourageantes performances de ces dernières années. Ainsi en 2015, un livre sur 4 vendu en France était un livre de poche. Celui-ci se développe de plus en plus pour faire face à la demande croissante, et il vous est ainsi possible aujourd’hui de retrouver tous les livres de ce cher Frédéric Beigbeder en poche (pas tous en version numérique, l’homme eut le génie de le refuser !). Avec plus de 340 millions d’euros générés, le chiffre d’affaires du livre de poche est deux fois plus élevé que celui de l’édition numérique dans sa globalité.
Enfin il faut également souligner le rôle des best-sellers dans la bonne santé du secteur de l’édition du livre. En 2015 par exemple, Michel Houellebecq avec Soumission, E.L James avec le fameux Fifty Shades of Grey, et Guillaume Musso avec Central Park, réalisent à eux trois plus d’1% du nombre total de livres vendus en France avec plus de 4 millions d’exemplaires écoulés.