Il s'agit d'une fiction. Nous sommes au théâtre, mais Anne Bourgeois s'est inspirée de faits réels pour écrire la pièce.
Si vous appartenez à la fonction publique, qu'elle soit territoriale ou d'Etat je pense que ce spectacle sera une révélation puisque vous êtes exempté de ce type d'épreuves. Mais pour tous les autres qui cherchent, ont cherché et chercheront un emploi il est probable que les dialogues vont résonner à vous faire cogner le palpitant.forme d'émotion dans l'écriture dans la façon de traiter un sujet par le théâtre.
Le seul terme de "demandeur d'emploi" est infantilisant. On pourrait considérer les choses du point de vue de l'employeur et parler de "demandeur d'employé", aller jusqu'à estimer que c'est celui qui recrute qui est en demande. Loin sont les temps bénis de "plein emploi" où les chasseurs de têtes dénichaient les talents. Je ne viens pas travailler chez vous à moins de ... suivait un nombre s'élevant à plusieurs centaines de KF (milliers de francs). La situation s'est inversée après le passage à l'euro (y-aurait-il une relation de cause à effet ?) et se dégrade de plus en plus. Demander du travail est devenu excessif.
Quand le personne qui en cherche est une femme c'est encore plus difficile à vivre. La comédienne incarne sur scène sept femmes qui sont confrontées, différemment, mais toujours d'une manière complexe, à ce rapport de forces qu'est l'entretien d'embauche.
Le parti pris de mise en scène consiste à faire assister le public à ce qu'on appelle des entretiens indirects. Le candidat est exposé à la vue du recruteur qui lui par contre est caché, donc protégé.
C'est en quelque sorte exactement la situation de tout comédien au théâtre, face à ce grand trou noir qu'est la salle. On se trouve donc doublement spectateur et c'est presque comme si la voix off (de Fabrice Drouelle) qui interroge était la notre.
En ne voyant pas la personne à qui elle s'adresse, cette femme est encore plus fragile et démunie, se sentant jugée ... voire déjà condamnée. Pour peu qu'elle soit émotive elle ne pourra que déraper à un moment ou un autre.
Après la vindicative on voit arriver la modeste : Je veux pas prendre le boulot d'un autre, juste un travail qui ne fasse du mal à personne.
Laurence Favre est époustouflante, capable de changer complètement de personnalité entre deux tableaux, en accordant les mimiques, le phrasé et la position du corps au tempérament des personnages. Elle est sans doute aidée par les costumes, presque un par situation, mais son talent est bien réel. Elle avait un pied dans le plâtre le soir où je l'ai vue et elle a largement mérité les chaleureux applaudissement d'une salle totalement sous le charme.
La force du spectacle est de nous présenter une galerie de personnages, des demandeuses certes, beaucoup bien sur, mais aussi Solange, la conseillère de Pôle Emploi. Et d'avoir ciselé les dialogues en les assaisonnant
d'humour sous de multiples formes, grinçant, exagéré, léger, décalé, et même grossier : vous savez ce que je lui dis au monde de l'entreprise, et encore je suis gentille ... Ta gueule !La situation peut devenir schizophrénique. Il faut être dynamique mais pas hystérique. Témoigner d'une forte compétence mais pas supérieure à celle du recruteur. Entre le trop et le pas assez on a du mal à déceler où se trouve le juste milieu, si bien qu'à la fin, à force de
s'entrainer à casser la vitre en criant on me veut, on se prendra le pare-brise.ENTRETIENS D'EMBAUCHE et autres demandes excessives
Texte et mise en scène : Anne Bourgeois
Avec Laurence Fabre
Et avec la présence vocale de Fabrice Drouelle
Du 24 janvier 2017 au 25 mars 2017A
Du mardi au samedi à 19h00
Au Théâtre Dejazet
41 Boulevard du Temple, 75003 Paris
Téléphone : 01 48 87 52 55
Les photos qui ne sont pas logotypées A bride abattue sont de Laurencine Lot