Allergiques aux œuvres de Claude Lelouch, passez votre chemin. Car Chacun Sa Vie n'est ni le meilleur cru du réalisateur, ni même simplement un bon film. Il propose en revanche toutes les figures de style de son auteur, ainsi que ses thèmes de prédilection, parfois à l'excès, ce qui pourra sans aucun doute motiver ses admirateurs à aller le voir au cinéma.
Le réalisateur fête ses 50 ans de carrière, et il a eu envie de proposer à son public un film ambitieux, tenant par instants de l'expérimental. Sans vouloir remettre en question les intentions louables de ce grand monsieur qui a mis en scène certains des plus beaux films du cinéma français, Chacun Sa Vie déçoit. C'est un film brouillon, dont les bonnes idées sur le papier, notamment son mélange de genres, sont peu convaincantes à l'écran. Claude Lelouch pourra justifier cet aspect par une volonté de montrer la vie telle qu'elle est dans la réalité, avec des personnages nuancés, le fait est que son film n'est pas des plus évidents à suivre. On est en face d'un joyeux bordel narratif, un film paradoxal dont l'intérêt artistique fluctue continuellement.
Prétentieux ou humble, selon vos goûts, Chacun Sa Vie traite de beaucoup de sujets d'actualité, en se focalisant principalement sur le milieu juridique et médical, tout en ne racontant strictement rien. Le metteur en scène papillonne au grès de ses envies et de son inspiration, accumule les histoires à la pertinence variable (cette fixette sur les jumeaux et les sosies !), passant du drame à la comédie, du thriller au musical, mais ne les lie jamais entre elles de façon véritablement convaincante. C'est le choix d'un auteur qui n'a rien à prouver, travaillant comme il l'entend, libre de décider de modifier son scénario quand il le souhaite, y compris pendant le tournage, quitte à ne pas savoir quelle direction prendra son long-métrage.
De fait, la structure de Chacun Sa Vie est à l'image de cette façon de faire du cinéma, le film prenant toujours des tournures inattendues, et c'est à chaque spectateur d'en retirer ce qu'il veut - car il y a bien au moins une séquence qui saura se démarquer. Si l'on comprend ce qu'a essayé de faire Claude Lelouch, en brisant certaines conventions narratives pour mieux questionner son public, la réflexion presque philosophique qui en découle nous aura parue au mieux naïve, au pire niaise. Au point que Chacun Sa Vie, malgré quelques scènes sympathiques (étonnamment toutes celles avec Johnny, qui à défaut de savoir jouer fait preuve d'une belle autodérision), flirte souvent avec le nanar. C'est d'autant plus accentué par l'hétérogénéité des talents d'acteurs d'un casting certes très impressionnant (personne ne dirait non pour jouer dans un film mis en scène par Claude Lelouch), constitué de comédiens professionnels ( Christophe Lambert, Jean Dujardin, Nadia Farès, Gérard Darmon, Chantal Ladesou entre autres), d'humoristes ( Jean-Marie Bigard, Raphaël Mezrahi, Michel Leeb, Julie Ferrier, Stéphane De Groodt, qui sont, il est vrai, des comédiens, reconnus principalement dans le milieu du spectacle vivant) de chanteurs (dont Johnny Hallyday, Liane Foly) et de l'avocat Eric Dupond-Moretti (étonnamment l'une des meilleures performances).
On a souvent l'impression de voir une réunion de potes qui en font des caisses pour se faire remarquer, et ce côté people issus d'un même microcosme égotique a tendance à décrédibiliser le message fédérateur de Chacun Sa Vie. Toutes les séquences ne se valent donc pas, que ce soit en termes de scénario ou de jeu. Chacun Sa Vie est vraiment un long-métrage paradoxal.
Dommage, donc, que cet OFNI ne soit pas une réussite, mais il est