Takashi Kinoshita et Pierre Meneau. Ensemble ou séparément ?
Le plaisir de retrouver le Château de Courban. Un lieu unique, hors du monde, des routes et du bruit mais pourtant parfaitement et facilement accessible. Un lieu au charme discret mais envahissant. Une maison familiale, simple et sophistiquée à la fois. Jardin, promenades, piscine, un pigeonnier pour nicher à deux, des chambres diverses et variées dans des espaces différents mais toujours originales et chaleureuses. Mariage idéal, dans les chambres d’une rusticité presque campagnarde avec un confort terriblement actuel. Un spa (Nuxe), de l’air, de la nature, des oiseaux, deux chats, un chien… et un restaurant (cf. article rubrique Restaurants France).
Le chef Takashi Kinoshita, japonais de son état, tient les cuisines avec talent, constance et exigence. Il vient d’obtenir un Bib Gourmand au Michelin 2017 pour la qualité et le prix doux de son menu déjeuner. L’étoile est dans l’air, mais… les voix de Dieu sont impénétrables.
Le chef aime, de temps en temps, se confronter amicalement et travailler en commun avec un chef invité. Ce soir-là, Pierre Meneau, jeune chef parisien mais néanmoins fils du grand Marc Meneau, formé avec son père à Vézelay, et aujourd’hui chef de son restaurant Crom’Exquis à Paris (VIIIème arrondissement). Mariage d’un soir étonnant de par la différence des personnalités, des styles de travail, de concentration, et d’exigence. Le Japonais net, précis, concentré, le Parisien plus agité, brouillon et bouillonnant ce qui fait à la fois son charme et parfois ses limites. Le thème : la Bourgogne, puisque Courban se situe presque à la frontière entre cette région et la Champagne. Trois plats chacun, six services, plus les « apéritifs » et les mignardises.
Quelques petits amuse-bouches de circonstances dont de redoutables et addictifs Noix de pécan caramélisées et parfumées au pain d’épices, et la première entrée froide est signée Pierre Meneau. Des
Couteaux de plongée, brunoise d’escargots de Bourgogne en persillade, coques, croûtons, et émulsion de champagne. Beaucoup de travail, une présentation parfaite, des textures, mais au final manquant d’un twist qui va réveiller le plat.
La version chaude de Takashi Kinoshita est plus convaincante : Oeuf « parfait » fermier au chardonnay, pousses d’épinards à la paysanne, soubise (sauce blanche à base d’oignons). Bien travaillée, parfaitement construite, agréable et bien goûteuse malgré un œuf pas trop « parfait » dû à une légère surcuisson.
Le poisson était du Saint-Pierre. Pierre Meneau sert le beau filet vraisemblablement poché, ce qui le sèche un peu, dans un bouillon de légumes tièdes et goûteux ce qui le requinque un peu. Il est étonnamment recouvert de caviar de cassis de Bourgogne, une réminiscence de la cuisine moléculaire qui se « fabrique » avec du sirop de cassis, de l’alginate, et du chlorure de calcium. Assez moche sur le poisson et finalement assez neutre. Des légumes sont servis n’importe comment dans un petit bol à part.
La viande est un Filet de bœuf de Charolais, étonnamment recouvert d’une épaisse couche de sésame noir qui dénature une viande déjà cuite à basse température. Résultat, un charolais mou et trop envahi par le sésame. Belle réduction de pinot noir qui donne soudain du relief et du goût au plat.
Desserts passionnants et très différents. Poire au chambertin contisée (des incisions pratiquées pour introduire d’autres morceaux) dans son craquelin, chocolat sorbet cacao. De belles saveurs, un mariage toujours aussi idéal de la poire et du chocolat, et un pochage parfait. Un joli dessert, agréable et finalement assez bourguignon.
Un superbe Dôme de meringue, légère et aérienne, des noix de Courban caramélisées, un peu de cramaillotte (miel de pissenlit) et une glace à la bière bio de Vézelay. Toutes ces saveurs se marient à merveille pour un dessert très pensé et très construit, original, local, et fort délicieux.
Quelques mignardises dont l’incontournable Cromesquis au chocolat surtout quand Marc Meneau est à table. Qui pourrait oublier ses cromesquis d’anthologie au foie gras et au porto, à L’Espérance….
Un dîner prestigieux surtout dans cette belle salle de restaurant à l’éclairage parfait le soir venu, avec ses grands baies vitrées sur l’extérieur, de l’espace, des gens heureux d’être là et de découvrir cet exercice de style qui parfois passe, parfois casse, c’est la loi du genre. En tout cas, un expérience passionnante et toujours la cuisine du chef du Château de Courban, Takashi Kinoshita, à découvrir absolument.
21520 Courban
Tél : 03 80 93 78 69
www.chateaudecourban.com
Paris : 250 km – Dijon : 100 km
Ouvert toute l’année
24 chambres de 100 € à 400 €
Petit-déjeuner (soigné) : 19 €
Restaurant
Fermé le midi en semaine
Menus : 45 € – 90 €
Carte : 80 € environ