Partager la publication "[Critique série] LOVE – Saison 2"
Titre original : Love
Note:
Origine : États-Unis
Créateurs : Judd Apatow, Paul Rust, Lesley Arfin
Réalisateurs : Dean Holland, Maggie Carey, Lynn Shelton, John Slattery, Brent Forrester, Joe Swanberg.
Distribution : Gillian Jacobs, Paul Rust, Claudia O’Doherty, Brett Gelman, John Ross Bowie, Iris Apatow, Dave Allen, Steve Bannos, Tracie Thoms, Mike Mitchell, Seth Morris…
Genre : Comédie/Romance
Diffusion en France : Netflix
Nombre d’épisodes : 12
Le Pitch :
Mickey décide de se confier à Gus au sujet des problèmes qui ont pu se mettre en travers de leur relation. Des révélations qui ne manquent pas de décontenancer le jeune homme. À nouveau inséparables, Mickey et Gus apprennent ainsi à mieux se connaître au fil de pérégrinations qui ne vont pas manquer de provoquer également de nouvelles situations plus ou moins inconfortables…
La Critique de Love – Saison 2 :
Créée et chapeautée par Judd Apatow, le grand manitou de la comédie américaine, la scénariste/productrice Lesley Arfin (qui officie également sur Brooklyn Nine-Nine et Girls, une autre série Apatow) et l’acteur Paul Rust, qui se retrouve également devant la caméra, Love est de retour pour une seconde saison, qui débute exactement là où s’est terminée la première. De quoi rentrer dans le vif du sujet dès les premières minutes et ainsi à nouveau apprécier la formidable rythmique d’une série qui est loin de ne faire preuve que de cette seule qualité…
Love is in the air
On ne change pas une formule qui gagne. Le deuxième acte de Love ne va pas dépayser ceux qui ont aimé la première salve d’épisodes. La seule différence c’est qu’ici, finalement, le scénario s’empresse de désamorcer les tensions et se focalise au tout début sur le bonheur nouvellement acquis par le couple vedette composé de Gillian Jacobs et Paul Rust. Ce qui fait plaisir à voir. L’humour est plus omniprésent et c’est agréable, même si quelque chose couve, on le sent. Le fait que la saison 2 compte 2 épisodes de plus par rapport à la saison 1 indiquant aussi qu’un événement va mettre en péril un équilibre flagrant mais fragile. Ce qui confirme bien que Love n’est pas une série qui cherche à surprendre, mais qui s’applique surtout à faire les choses correctement. Contrairement à Girls qui a parfois tendance à en faire des caisses et à plus forte raison à toutes ces séries qu’il convient de classer dans la catégorie « comédie dramatique », Love ne part pas en vrille dans le seul but de casser la routine. Love créé la sienne. Elle va de l’avant en permanence et se concentre sur la bonne illustration d’un script malin car sans arrêt dans la mesure et à plus forte raison pertinent à plus d’un titre. C’est pour cela que ce qui se passe à l’écran parvient à nous toucher et appelle in fine une certaine identification.
Love is all
Il est en effet facile de se reconnaître en Gus et Mickey, les deux personnages principaux de la série. On peut même carrément déborder sur les excellents personnages secondaires, avec en particulier Bertie et Randy, l’autre couple de cette saison. Surtout si on a le même âge que les protagonistes, à savoir la trentaine. Love est une œuvre inscrite dans son époque, qui aborde avec intelligence des problématiques universelles. L’amour bien sûr, mais aussi l’ambition, l’amitié et – on est tout de même chez Judd Apatow- tout ce qui touche à la pop culture, avec plusieurs références plus ou moins geeks tout à fait savoureuses. Le fait que Gus travaille dans le milieu de la télévision (il est prof particulier pour une jeune actrice incarnée par Iris Apatow, la fille aînée de Judd Apatow) permet de plus au show d’effectuer une jolie mise en abîme, l’air de rien.
Passionnante de bout en bout, cette saison brille ainsi par son écriture, qui continue de tendre un miroir à toute une génération, avec une bienveillance assortie d’une jolie impertinence, tout en touchant au vif à plusieurs reprises quand elle se livre à une analyse poussée des relations amoureuses, par le prisme de ce couple attachant car suffisamment dysfonctionnel pour encourager l’immersion.
Tainted Love
Si Love fait preuve d’une virtuosité certaine quant à son scénario, toujours inventif, et parfaitement mesuré quand il s’agit d’instaurer un savant équilibre avec comédie pure et drame concerné (mais toujours léger car jamais plombant), il s’agit aussi d’une grande série d’acteurs. Des comédiens tous très bien dirigés, qui peuvent s’épanouir dans un univers parfaitement construit. En vedette, la formidable Gillian Jacobs prouve à nouveau à quel point elle est douée. Son rôle étant peut-être le plus casse-gueule du lot, il convient de saluer plutôt deux dois qu’une la performance. Magnétique, sexy, charismatique, elle fait souffler le chaud et le froid avec une émotion qui marque face à un Paul Rust toujours excellent lui aussi dans les pompes d’un jeune homme sensible et attachant. Un grand bravo également à la géniale Claudia O’Doherty, qui joue Bertie la colocataire de Mickey et à tous les autres qui tiennent leurs positions et aident à définir les contours d’un microcosme dans lequel on se sent bien.
Love Hurts
Vient maintenant le moment de souligner un point qui a encouragé certaines critiques à affirmer que Love donnait le mauvais rôle à Gillian Jacobs. Sa Mickey est forte mais aussi fragile car en partie définie par ses addictions diverses. Contrairement à Gus qui lui, est plutôt équilibré de prime abord. Loin d’opter pour la facilité et arrondir les angles, la saison 2 continue de mettre en opposition les deux personnages afin de les réunir par delà leurs différences de perception d’une existence dans les deux cas plus ou moins cabossée. Alors oui c’est ici la fille qui appuie bien souvent sur le bouton qui fait que les choses dérapent. Mais n’est-ce pas un peu facile de rester à la surface en la considérant justement comme celle qui faute ? Forcément. La fin de cette deuxième saison va d’ailleurs dans ce sens en soulignant les fêlures de Gus, qui justement se trouve aussi être à la source de plusieurs désaccords qui interdisent à son couple un bonheur solide et durable. La vocation de la série étant de toute évidence d’orchestrer la douce rédemption de deux âmes perdues amenées à s’améliorer et à progresser au contact l’une de l’autre. Personne n’est gentil ou méchant. Tout le monde agit simplement en fonction de l’humeur et des sentiments du moment. Armé de ses forces et desservi par ses faiblesses. Comme tout un chacun en somme.
C’est ce qui fait aussi de Love une série remarquable sur la durée. Parce qu’elle capte quelque chose de très subtil, tout en prenant une posture qui lui permet aussi d’être très divertissante si on choisit de ne pas creuser. On peut la prendre comme une série comique. Comme une romance. Mais au fond, il y a bien plus. Car à ce compte-là, autant considérer 40 ans toujours puceau comme une simple resucée d’American Pie ou de toutes ces comédies gentiment trash dont l’objectif est surtout de faire rire. Comme souvent chez Judd Apatow, il y a plusieurs niveaux de lecture dans Love. Un aspect par ailleurs renforcé par l’apport inestimable du couple Lesley Arfin/Paul Rust dont la prose, reconnaissable entre mille, contribue à faire de Love une œuvre importante. L’air de rien. Toujours.
En Bref…
La saison 2 de Love est formidable. Tour à tour drôle et plus tendre, juste, attachante, bienveillante et subtile, elle encourage le même constat que l’acte précédent et se pose comme une excellente illustration de la construction (et de la déconstruction) du couple. Les acteurs sont excellents, l’écriture rythmée, la réalisation inspirée et l’ennui est gardé à distance. Une grande série de son temps.
@ Gilles Rolland