Quatrième de couverture :
À l’été 2001, un squelette apparaît à l’orée d’un petit bois, à quelques pas de l’Hôpital Royal Victoria à Montréal. Une enquête s’amorce, qui deviendra une quête : découvrir l’identité de cette femme morte sans bruit. Mais toutes les pistes mènent à l’impasse ; celle qu’on a baptisée Madame Victoria continue d’attendre que quelqu’un prononce son nom.
Aujourd’hui, la fiction prend le relais.
À partir d’une série de portraits de femmes, Catherine Leroux décline les vies potentielles de son héroïne avec une grande liberté. D’abord nettes comme le jour, ses hypothèses plongent de plus en plus loin dans l’imaginaire, comme des flèches filant vers un point où la mémoire et l’invention se confondent,vers un minuit où tout est possible, jusqu’au dernier souffle.
Le point de départ de ce roman est très émouvant : c’est une histoire vraie que celle de ce squelette de femme retrouvé à proximité de l’Hôpital Royal Victoria à Montréal et la manière dont Catherine Leroux met en scène la découverte des restes par un soignant de l’hôpital et l’appel à témoins entendus au téléphone et triés par une écoutante rend cette personne inconnue très proche, cela lui rend déjà de l’humanité et de la dignité qui ne lui ont sans doute pas été suffisamment accordés de son vivant.
Ensuite, Catherine Leroux s’exerce au jeu des hypothèses, elle invente des vies à cette « Victoria » et sa palette de couleurs est très riche, très vaste dans la variété des genres : du bas au haut de l’échelle sociale, du personnage historique à celui venu du futur, de l’enfant icône à la femme fourbue sous le poids des enfants en passant par la jeune mère célibataire , de l’hypersensible à l’égocentrique sans oublier l’amoureuse, Victoria revêt toutes les personnalités, elle épouse sans aucun doute l’histoire de Montréal et de la création de son Hôpital royal (mais je ne connais pas assez l’histoire de la ville), « entité éternelle et abstraite » (la définition de ce motif récurrent d’ Eon) aux yeux vairons.
Ce qui frappe, comme dans Le mur mitoyen, c’est l’écriture de Catherine Leroux, sa profondeur, sa force, la finesse, l’empathie de sa psychologie, son art de nouer des liens, de relier toutes ces facettes kaléidoscopiques pour donner de la chair, à cette femme perdue, oubliée. L’auteure sait dire comme personne la douleur, le désir, la solitude, l’addiction, la fatigue, la folie, et l’amour aussi. C’est certainement une des voix incontournables de la littérature québécoise d’aujourd’hui.
Un chapitre à lire ici.
Catherine LEROUX, Madame Victoria, Editions Alto, 2015
Avec ce beau roman, je referme la semaine consacrée à Montréal qui fête cette année ses 375 ans de fondation, à l’occasion de la Foire du livre de Bruxelles qui a fermé ses portes hier soir.
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