Master of Whine ?
Non, il ne s'agit pas de venir geindre et jouer les victimes (quoique ?) mais plutôt de faire un à peu près à la con, en réagissant à article consacré à une Master of Wine.
La MW Française.
COCORICO !
Cet article, publié par la RVF et signé de Marie-Charlotte Antonini est intitulé : "Isabelle Legeron, ambassadrice des vins vivants à Londres", et on peut le consulter en cliquant sur le lien qui précède.
On y apprend qu'Isabelle Legeron est "Master of Wine", l'une des MW français.
Et que MW, c'est : "La consécration ultime dans le monde du vin."
D'abord :
"Quand un consommateur achète une bouteille de vin à 200 euros, s'il savait que ce dernier a peut-être été micro-oxygéné, extrêmement soufré ou mélangé à des levures chimiques, le boirait-il ?"
Au premier abord je me sens très moyennement concerné. Il faut dire qu'en ce qui me concerne, 200 € la quille c'est légèrement hors budget.
Puis y a ce "une bouteille de vin" ... "mélangé à des levures chimiques" qui me pique les yeux.Bon, la micro oxygénation et l'extrêmement soufré il y aurait certainement à dire et redire, mais il faut prioriser.
Donc les "levures chimiques" :
- La levure chimique, c'est du bicarbonate de soude
Je déconseille d'ajouter du bicarbonate de soude au vin.
Bon, après : vous faites ce que vous voulez avec votre pinard et votre bicarbonate, mais moi à votre place j'éviterais.
Pour ce qui me concerne, la levure chimique c'est pour le cassoulet, et pour le sous marin Pif Gadget.
Or vu que là on est dans la RVF, et que la RVF ne distribue pas (encore ?) de sous-marin au bicarbonate, ni d'ailleurs de pois sauteur (et on pourra le regretter) : je pense que l'on peut faire l'impasse sur le Bicarbonate de soude.
- Car la levure de vinification est ... une levure, un microorganisme, un être vivant.
Donc pas un produit chimique.
Autant éviter de refaire ce qui existe déjà ! Si le sujet vous intéresse, allez donc faire un tour sur une série de 4 billets où j'essaie de faire le point sur la vie et l'oeuvre de Saccharomyces cerevesiae, la levure de vinification : ça commence avec ce billet, il suffit ensuite de lire les 3 suivants.
Bref je sais bien que le mot chimique est porteur car anxiogène.
Mais là il est surtout inexact.
Trompeur.
Pour ne pas dire mensonger, et je trouve que c'est fâcheux.
D'autant plus fâcheux que l'on nous parle de vin "mélangé à des levures chimiques".
On rajoute des levures chimiques au vin !?
Le message semble limpide : encore des saloperies venues d'ailleurs ajoutées au sain(t) breuvage.
Sauf que :
- en œnologie on utilise des levures au sens microbiologique du terme, et que ces levures ne sont donc pas chimiques.
Nous venons de le voir.- les levures œnologiques ne sont pas "mélangées au vin". C e sont des micro organismes qui interviennent pour transformer le mout de raisin en vin, lorsqu'elles transforment les sucres en alcool.
C'est un processus parfaitement naturel.
Un processus qui se déroule, au choix, à l'aide des levures naturellement présentes dans le milieu (que ce soit sur les raisins, sur le matériel vinaire, dans le chai ... c'est un débat dans lequel je n'entrerai pas ici et maintenant) ou bien à l'aide de Levures Sèches Actives (ou, pourquoi pas, Levures Naturelles Sélectionnées).
Sur ce dernier point, merci de vous reporter aux 4 billets que j'évoque plus haut.
Bref : on n'ajoute aucune levure chimique (aux propriétés mystérieuses) dans le vin.
Jamais.
Ceci dit, au vu de ce qui suit j'imagine que la cible sont bien les levures sélectionnées.
Ce qui suit ?
"Il faut que le consommateur puisse lire sur l'étiquette ce qui compose le vin". et
"Aujourd'hui les gens font très attention à ce qu'ils mangent et pourquoi pas à ce qu'ils boivent ?"
On l'a vu, trois éléments sont préalablement pointés par Isabelle Legeron :
- la micro oxygénation.
Lorsqu'il se produit, ce passage dans la vie du vin se fait soit lors de l'élevage en barrique, au travers de douelles, soit à l'aide d'un microbullage d'oxygène dans la cuve.
Passons sur l'intérêt et les limites de la micro oxygénation pour n'en retenir qu'une chose : la micro oxygénation n'est en rien un composant du vin, il n'y a donc rien à écrire sur l'étiquette. L'oxygène est transitoire et favorise l'évolution du vin.
- le soufre
Il est déjà indiqué "contient des sulfites".
Il semble donc un peu étonnant que l'on puisse demander de faire ce qui existe déjà ! Sauf bien sur à demander la teneur en soufre à la mise en bouteille ? Ce ne serait alors qu'une valeur temporaire et indicative mais pourquoi pas ? On doit pouvoir en discuter.
- les levures
les levures (œnologiques et non pas chimiques) transforment le jus de raisin en vin puis meurent et sont ensuite éliminées lors des soutirages.
Sauf en cas de contamination (voir Brettanomyces), il est exceptionnel qu'on en trouve dans la bouteille (et auquel cas elles seront au fond et non pas dissoutes dans le vin).
C'est par exemple le cas des jolies méthodes gaillacoises de Plageolles et du Domaine de Brousse (à ma connaissance les deux derniers mohicans de la méthode gaillacoise).Dès lors demander d'indiquer la présence de ce qui est absent me semble une requête difficile à satisfaire !
Et je regrette donc vivement qu'une personne détentrice de "La consécration ultime dans le monde du vin" se laisse aller à ce genre de plaisanterie : demander de donner des informations qui n'en sont pas. Qui plus est en fondant cette demande sur la base d'erreurs grossières.
Pour la petite histoire j'ajouterai que je me suis ouvert de ces remarques sur Facebook.
Grave erreur.
Car le message y a été repris, et un déontologue de renom me fit alors savoir que, du fait de mon activité professionnelle, mes remarques n'étaient pas recevables vu que j'étais discrédité par un conflit d'intérêt.
C'est sur que faire remarquer l'absurdité qui consiste à prétendre que le vin peut-être "mélangé à des levures chimiques" est la conséquence d'un conflit d'intérêt et atteste d'un niveau de corruption rarement égalé.
(je jette un voile pudique sur le vocabulaire ordurier et la curée qui ont accompagné et suivi la "plaisanterie").
Mais, bon, vu que ces règles déontologiques ne semblent s'adresser qu'aux bouteilles à plus de 200 € ...
On pourra tout de même regretter que notre ami déontologue me fasse reproche de mon métier lorsque je pointe une erreur dans le discours de quelqu'un qui fait profession des "vins naturels" alors qu'elle peut, elle, en toute impunité et sans risque de se faire reprocher un "conflit d'intérêt", pointer les méfaits des vins conventionnels "additionnés de levures chimiques".
Master of Whine
(whine = se lamenter / geindre)