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Il n’est pas facile de réussir "Simon Boccanegra". Même en version de concert et donc privé de vie scénique. Il faut conjuguer intimement au rythme de la mer Méditerranée, des voix et un orchestre porteur du drame. Et puis, et puis… la production sacrilège de Giorgio Strehler est encore dans toutes les mémoires et reste une absolue et définitive référence pour cet opéra presque shakespearien mais frappé du sceau de la malédiction.
De tous les grands Verdi, "Simon Boccanegra" est celui qui s’accommode le plus difficilement d’une "honnête moyenne".
Jugez un peu: une histoire étalée sur 25 ans, des rapports de force nus, secs, amers, des ombres, des âmes, le goût puis la lassitude du pouvoir… On sent la présence palpable de la mer, l’iode et les embruns (raisons de vivre du héros) et surtout les enjeux politiques et sociaux d’un corsaire devenu Doge par accident. La mystique de la justice et la mort sont ailleurs, la solitude des rues, du pouvoir aussi...
Si le courant passe à l'Auditorium Rainier III, on le doit avant tout aux chanteurs. En premier lieu à André Heyboer. Son Paolo Albiani fielleux et retors à souhait rafle tout au rideau final. Un baryton ténorisant comme on n’en fait plus!
De très belle envergure également le Fiesco de Carlo Colombara venu in extrémis sauver le concert. Ses affrontements avec Ludovic Tézier dans le rôle titre (voix large, puissante, faite là-aussi pour les imprécations, les malédictions) restera un grand moment de la soirée. Le baryton marseillais chante avec goût, économie, sans effets inutiles pour camper une sorte de Hollandais volant à l’envers, lui qui n’espère plus rien de la politique et du pouvoir mais ne désespère pas des hommes…
Une fois dit que certains moments donizettiens du rôle échappent parfois à Sondra Radvanovsky (la Diva a quand même Tosca, Norma et Manon Lescaut à son répertoire!), nous lui pardonnerons certains élans un tantinet véristes tant son art du chant et sa sensibilité sont ceux d’une grande artiste.
Gabriele Adorno permet à Ramon Vargas de mettre en valeur un timbre et un aigu exceptionnels. Le sympathique ténor mexicain complète de belle manière un cast masculin de primo cartello. Rehaussé par les percutantes interventions des trois solistes venu du chœur.
Galvanisés, transcendés, les chœurs et l'Orchestre philharmonique de Monte-Carlo, très vivants, nous ont donné par contre le plus beau Verdi entendu depuis longtemps.
Dieu sait si la musique impressionniste qui ouvre le premier acte peut paraître triviale. Sous la baguette de Pinchas Steinberg, il n'en est rien.
Tout reflète ici l’œil du Maître. Le pittoresque y est tenté, le mélodrame est osé dans cette partition tardive, touffue, révisée, aux couleurs de crépuscule. A ce degré de raffinement instrumental, on la suit avec un recueillement stupéfait.
Réputée touffue, la partition respire, son clair-obscur s'aère d'une luminosité rare. Un bonheur de tous les instants.
En totale symbiose avec sa phalange et son équipe, le Maestro, osons le mot, semble faire l'amour avec Verdi, la musique, l'opéra et le public. Exemplaire! Grandiose! Unique!