À mes yeux, ce roman de Ken Liu s’apparente finalement plus à un témoignage historique qu’à de la science-fiction. L’auteur utilise en effet le concept du voyage dans le temps pour se concentrer sur une page sombre et plutôt méconnue (en occident) de l’Histoire: l’Unité 731 !
Chaque pays possède probablement une page de son Histoire dont elle a honte et qu’elle préfèrerait oublier ou effacer, voire même nier. C’est le cas de cette Unité 731 créée en 1932 par l’Armée impériale japonaise, en plein conflit sino-japonais. Durant près d’une décennie, les japonais y ont livré des expériences scientifiques innommables sur des cobayes humains, allant de vivisections sans anesthésie à l’expérimentation d’armes bactériologiques, en passant par des viols et de la torture. Des milliers de personnes, pour la plupart chinoises, sont mortes dans d’horribles souffrances dans ce camp d’expérimentation nippon…
Le récit imaginé par Ken Liu, lui-même Chinois, se déroule dans un futur proche et invite à suivre Evan Wei, historien sino-américain, et son épouse Akemi Kirino, physicienne japonaise. Le couple met au point une invention permettant à une personne de voyager dans le temps afin d’y assister à un moment déterminé du passé. Les deux scientifiques décident d’utiliser leur procédé afin de lever le voile sur les exactions commises par l’Unité 731 et rétablir la vérité autour de cet évènement historique passé sous silence. Le seul petit hic de leur invention est que chaque instant du passé ne peut être visualisé qu’une seule fois avant de disparaître définitivement… ce qui rend évidemment difficile de valider les faits constatés…
Si j’ai apprécié l’idée de base et le contenu de ce livre, je suis par contre beaucoup moins fan de la forme. Ken Liu construit en effet son roman sous forme de documentaire constitué de successions de témoignages, d’interviews, d’extraits de commission parlementaires et autres. Cette narration à la façon d’un reportage télévisé (fallait-il même décrire les mouvements de caméra ?) permet certes d’alternes les différentes opinions, tout en donnant un aspect très réaliste à l’ensemble, mais c’est d’une froideur pas possible. Je n’ai du coup éprouvé aucune empathie envers les personnages principaux ou les différents intervenants. De plus, ce récit d’à peine plus de cent pages, survole l’histoire un peu trop vite, ce qui empêche également l’auteur d’approfondir les différents personnages, voire même de nous en apprendre un peu plus sur cette fameuse Unité 731.
Outre le devoir de mémoire, l’intérêt du livre se situe surtout au niveau de la réflexion qu’il suscite chez le lecteur. « L’Homme qui mit fin à l’Histoire » n’offre pas seulement une approche intéressante du voyage dans le temps, mais soulève aussi de nombreux questionnements philosophiques, étiques ou même juridiques. Si le récit dénonce forcément le crime de guerre, il pointe également du doigt le négationnisme, invite à réfléchir sur le métier d’historien… et surtout à se souvenir.
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