Cependant cette prolongation de la jeunesse ou néoténie ne semble pas une piste viable pour la santé et la longévité...Ces scientifiques nous expliquent pourquoi dans les Physiological Reviews.
Par " Master Biological Clock " , ces biologistes et mathématiciens russes et allemands entendent " l'horloge biologique de la vie " , avec une période de jeunesse prolongée associée à une longévité prolongée. Les données épidémiologiques confirment d'ailleurs que le phénomène est en marche chez les humains, comme chez le rat-taupe. Les humains ont déjà ralenti le rythme de leur " Master Biological Clock " , leur vieillissement décélère déjà.Ces travaux apportent des arguments solides à l'appui de cette hypothèse chez le rat mole nu (Heterocephalus glaber) qui serait parvenu ainsi à vivre plus longtemps, en prolongeant de manière spectaculaire sa jeunesse. Plus fort, l'évolution biologique de nos 2 espèces de mammifères sociables, les humains et les rats taupes, aurait entraîné cette décélération du programme de vieillissement par le prolongement de la jeunesse (néoténie).
Néoténie et " sous-développement " : Mais peut-on booster la même approche pour prolonger artificiellement la jeunesse humaine ? L'augmentation de la durée de vie de l'être humain par l'intermédiaire de la néoténie est probablement le résultat de la sélection naturelle à long terme de personnes dont le programme d'ontogenèse un tout petit peu plus lent. De tels changements, minimes, ont nécessité de nombreuses générations et beaucoup de temps. De plus, soulignent les chercheurs, la néoténie n'est pas sans " risques " : elle s'accompagne toujours du sous-développement de certaines structures et fonctions qui apparaissent dans les derniers stades de l'ontogénie. Chez le rat mole nu, cela comprend l'apparition des cheveux, la formation des poumons, la thermorégulation, la croissance globale, etc... De même, les humains ont sacrifié des poils, des cheveux, de la force musculaire, de la taille corporelle et certains aspects du squelette ...bref de nombreux traits inhérents aux grands singes adultes !
Le vieillissement chez l'Homme diffère d'ailleurs de celui des grands singes , probablement en raison ces modifications néoténiques de l'ontogénie humaine. Dans la première partie de la vie humaine, les taux de mortalité, indépendants de l'âge sont très faibles. En effet, chez les jeunes humains, l'augmentation de la mortalité liée à l'âge ne contribue pas de façon mesurable à la mortalité globale. Avec l'âge, la contribution de la mortalité dépendante de l'âge augmente et dépend exponentiellement du temps. Chez les chimpanzés, dont la durée de vie est à peu près la moitié de celle de l'Homme, la composante de la mortalité dépendante de l'âge intervient très tôt dans l'ontogenèse. Le fait que non seulement le vieillissement mais aussi de nombreuses autres caractéristiques des stades ultérieurs de l'ontogénie soient retardés chez l'homme par rapport aux grands singes, indique que la décélération globale de l'ontogénie a eu lieu plutôt que l'inhibition spécifique du processus de vieillissement.
Bref, l'approche la plus raisonnable pour augmenter la santé et la longévité des humains reste donc plutôt l'inhibition spécifique du vieillissement par la médecine, plutôt que par toute tentative de stimuler davantage le néoténisme. Parmi les agents d'inhibition du vieillissement, les chercheurs s'attardent sur les nombreuses données portant sur les antioxydants ciblant les mitochondries, décrits comme les candidats prometteurs pour réduire le vieillissement humain. Aux débuts, le vieillissement était ralenti par la sélection naturelle, aujourd'hui, il devra l'être par les progrès médicaux, techniques et scientifiques.
15 February 2017DOI: 10.1152/physrev.00040.2015 Neoteny, Prolongation of Youth: From Naked Mole Rats to "Naked Apes" (Humans)