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polly jean harvey
je suis une fille je suis une femme
j'ai peigné pleuré peiné
me suis parfumée
j'ai séduit j'ai enfanté
j'ai nourri j'ai aimé
j'ai travaillé
j'ai jardiné décoré enjolivé
j'ai illuminé et donné
je suis une fille je suis une femme
depuis toujours j'ai évolué
parmi les filles et les garçons
les femmes et les hommes
dans la lumière et non dans l'ombre
dans une vie ouverte et bienveillante
avec le port altier
et la dégaine d'une rock star
je n'ai jamais souffert de mon sexe
les hommes ne m'ont jamais intimidée
ni écrasée ni violée
je n'ai donc jamais senti le besoin
de me battre pour faire valoir mes droits
ne me sentant pas diminuée
par rapport à eux
je dirais même que j'ai passé
une grande partie de ma vie
sans avoir grande conscience
de la condition féminine dans la société
proche moyenne ou lointaine
jusqu'a récemment
j'ai pensé que le combat féministe
était un combat ancien
très digne d'avoir été mené
de la même nature que les soldats canadiens
avaient donné lors de la deuxième guerre
un combat du passé envers lequel
j'étais reconnaissante
l'air ambiant me dit qu'il en est autrement
que plus je m'intéresse aux autres
plus je comprends que la majorité
n'est pas aussi privilégiée
qu'il y a de la violence et de la hargne
qu'il y a d'importants clivages
et j'haguis les positions sectaires
les retranchements sociaux
en mûrissant avec les années
je sais que mon être intérieur refait surface
je comprends que la vie a un sens
je le sens dans mes tripes
les parties profondes de mon identité
être une fille être une femme
être chinoise être mère
être une artiste être travaillante
se manifestent et veulent se camper
je ressens le besoin de définir ces identités
de les comprendre et les appréhender
d'une manière universelle
peut-être parce que je suis rendue là
j'ai reçu
je redonne
mais je ne vais pas crier
ce n'est plus le temps de crier pour moi
c'est le temps de faire du bien
parce que les femmes font le bien.