Do Fournier, vision de premier matin du monde !

Publié le 11 mars 2017 par Halleyjc

Do Fournier peint comme elle parle. Vite. Avec plaisir et jubilation. Ses personnages dans des intérieurs offrent des visions de premier matin du monde.





D’un bonheur immanent. Comme son aîné Bonnard, elle fait « provision de vie » au quotidien. Elle s’abreuve de sa maison, se nourrit de son jardin.

Et ne cesse de regarder ses filles. Ces belles jeunes femmes aux cheveux noirs, le corps mince, la peau mate. Sensuelles. Toujours tournées vers la chaleur. Celle du soleil ou de l’âtre. Toujours dans des attitudes de repos. Etendues sur un divan, négligemment appuyées sur une table , allongées sur une plage. Loin d’une représentation du corps meurtri. Loin d’une figure blessée.

Loin de toute théorie, l’artiste perpétue la tradition d’une peinture épicurienne, décorative et silencieuse. Pour isoler un peu de temps à l’état pur. Devant la toile, Do Fournier rassemble ses souvenirs, concentre sa mémoire, se rappelle des parfums. Comme si son œuvre ne pouvait capter sa force que par l’éloignement de leur source. Comme ces amoureux fous qui ne tremblent jamais autant que lorsque l’objet de leur idylle est absent. Dans leurs peignoirs chatoyants, parfois enturbannées, ses femmes oisives et rêveuses, ouvertes et pourtant si secrètes, figées dans leur éternelle jeunesse, prennent ainsi l’allure d’odalisques de Matisse ou de quelque princesse persane alanguie dans leur voluptueux abandon.

Ces « Belles endormies » inspirent tout à coup les « fragments d’un voyage immobile » cher à Fernando Pessoa pour qui l’art est « l’aveu que la vie ne suffit pas ». Elles appellent encore l’âge d’or et cette « Nostalgie des origines » qu’évoque Mircéa Iliade …pour prendre « congé de la douleur du monde » ?

Fusion suprême du réel et de l’imaginaire, les toiles de Do Fournier se métamorphosent en un terrain de jeu délirant. Car l’artiste élevée sur les rivages de l’Atlantique déteste la perspective.

Elle préfère voler haut, très haut dans l’apesanteur.