Il m’arrive curieusement une tuile chaque fois que Snooze se rend à l’étranger pour le travail ou m’abandonne lâchement pour partir en vacances avec des vrais amis qu’il préfère apparemment à son conjoint depuis presque seize ans (et non quarante-trois comme le veut la rumeur). Je me suis ainsi retrouvé comme une dinde, coincé derrière notre réfrigérateur, à tenter de colmater un geyser suite au dévissage d’un robinet sans savoir comment couper l’eau dans notre appartement. J’ai également assisté impuissant au remplissage de notre jolie baignoire blanche par des litres de merdes il y a quelques jours. Hier soir, belote et rebelote. J’ai commencé par repérer une petite flaque de rien du tout située aux pieds du lave-vaisselle. Travaillant généralement comme une porkasse dans la cuisine, j’ai tout de suite pensé avoir renversé de l’eau à l’insu de mon plein gré. Que nenni. Le tuyau reliant le lave-vaisselle à l’arrivée d’eau était fissuré. C’était “happy hour” dans la cuisine. Les meubles soutenant le plan de travail avaient fait office de buvard. Une quantité non-évaluable d’eau s’était infiltrée sous le parquet qui commençait lui aussi à gonfler et à noircir.
Il devenait donc impératif, avant bien entendu de pleurer, de se faire désenvoûter et de se prendre une cuite, de: (i) dégager le terrain, (ii) colmater la fuite, (iii) éponger et enfin (iv) se mettre à quatre pattes, un sèche cheveux à la main, en serrant les fesses et en priant que le parquet ne se mettre pas à onduler d’ici quelques jours. Snooze, qui rentrait comme une fleur de Londres, s’est naturellement pris un scud en s’étonnant de trouver autant de bazar dans la cuisine. Mon crétin de mari sera donc puni et désigné volontaire pour annoncer la nouvelle à nos nouveaux voisins, quelques jours après avoir massacré leur nouvelle salle de bains. En même temps, cela fait maintenant trois mois que leurs ouvriers pilonnent le plafond dès huit heures et nous empêchent d’envisager la moindre grasse matinée en semaine. Œil pour œil, dent pour dent.
Hier, c’était à mon tour de traverser la Manche, de faire du bruit le matin de très bonne heure dans la chambre et de réveiller Snooze par inadvertance. Ma hiérarchie m’a récemment appris que j’avais été choisi pour travailler plus, mais gagner autant, et m’a exporté en urgence au pays de la gelée, des haricots en sauce et des expatriés qui mettent leur main dans leur culotte. Ces nouvelles responsabilités vont m’obliger à me rendre encore plus souvent à Londres et accessoirement me permettre d’aller bitcher avec Fabricechouchou entre deux tapas et me gaver de Coca Cola light à la cerise et de fish and chips. Le rituel est immuable Un taxi m’attend à sept heures pétantes, prend la direction de la place de la Bastille, longe la Seine et me conduit vingt minutes plus tard à Orly Ouest. Je prends un petit-déjeuner composé de deux cappuccinos et deux canettes de coca light tout en lisant la presse.
Libération à proposé, dans son édition d’hier matin et à l’occasion de la marche des fiertés, un papier consacré au coming-out des parents à l’école. Trois couples (un pédé et une lesbienne et deux autres couples de lesbiennes) racontent comment ils ont annoncé leur homosexualité à la crèche ou à l’école. L’article met en avant tout le travail réalisé pour éduquer les enseignants et parfois leur souffler les mots clefs « homophobie » et « discrimination ».
Si « Paris Match », hebdomadaire officiel des gens riches et heureux, propose des photographies floues, moches et qui donnent mal au cœur des fiancés de l’été (Jean Sarkozy et sa grosse montre Cartier, Jessica Sebaoun Darty et son gros diamant Tiffany), « Psychologies Magazine » nous propose de tout nous apprendre sur l’ego en dressant le portrait de trois personnalités au moi encombrant pour les autres : Le narcissique (son moi se croit au-dessus du commun des mortels), l’hystérique (son moi dépend du regard de l’autre) et enfin l’égocentrique (son moi se veut sans faille et sans reproche). Il paraît que l’ego sans ego est l’idéal du bouddhisme et du taoïsme. J’en connais qui seraient bien inspirés de se convertir.
Une heure plus tard, je survole Londres et atterri dans un petit aéroport situé à l’Est de la ville, à quelques minutes des docks. Le midi, je m’échappe quelques minutes pour acheter des cochonneries au Tesco voisin, pour enfin rentrer tard le soir et souvent préparer un repas indien avec les sauces et autres nans ramenés de la perfide Albion.
La pilule risque cependant de mal passer côté Snooze qui me reproche depuis longtemps de faire passer le travail avant le plaisir (jouer miss serpillière 2008 au rabais dans les cabinets ou dans la cuisine). Mais une bonne nouvelle ne vient pas seule. J’ai validé mes deux semestres de Master et il ne me reste plus qu’à écrire et présenter un mémoire pour le mois de septembre. Cette année a été riche en apprentissage. Je me suis lancé sur un coup de tête dans les statistiques et j’ai découvert un univers fascinant. J’ai cependant renoncé à me lancer dans une autre aventure universitaire à la rentrée sous peine de divorce.
Quoi que, en y réfléchissant de plus près, un diplôme de plomberie serait vraiment utile.