Rencontre avec Philippe de Cuverville, économe général du diocèse de Paris, à l’origine de la création de la Fondation Avenir du Patrimoine à Paris
Pouvez-vous me parler de la Fondation Avenir du Patrimoine à Paris ?
La problématique de l’entretien des églises ne date pas d’hier. Dans le cadre statutaire de la loi de séparation des Églises et de l’État de 1905, la Ville de Paris est propriétaire de 85 édifices cultuels, plus la cathédrale Notre-Dame. Ces bâtiments relevant du domaine public communal, elle a une obligation légale de sauvegarde et de valorisation. Ainsi, elle a alloué 80 millions d’euros sur la période 2015-2020. Toutefois, les montants sont largement insuffisants.
Le diocèse a donc étudié la possibilité d’apporter des fonds complémentaires, pour que la Ville de Paris aille au-delà que ce qu’elle a budgété. Les églises parisiennes sont en très mauvais état. Moins on les entretient, plus elles se dégradent rapidement, et au final, plus lourds sont les coûts. La Fondation Avenir du Patrimoine à Paris (FAPP) a donc été créée en 2014. Elle est abritée par la Fondation Notre-Dame.
Les fonds proviennent donc de différentes sources ?
Tout à fait. Il y a des fonds publics : ceux alloués par la Ville de Paris, cités ci-dessus, et des subventions de l’État (à hauteur de 11 millions d’euros, dans le cadre des subventions destinés aux bâtiments inscrits ou classés). Le complément provient de mécènes privés, à travers la FAPP et d’autres fondations comme la Fondation Sainte-Opportune.
La Fondation Avenir du Patrimoine à Paris ne s’occupe que des églises inscrites, classées ou d’un intérêt patrimonial majeur. Nous avons démarré doucement, pour que la FAPP s’inscrive dans le paysage. Nous avons encore peu de donateurs, mais cela avance.
On vient aussi de créer une fondation aux Etats-Unis, Friends of Notre-Dame de Paris, qui a pour but de collecter spécifiquement pour Notre-Dame. Là, nous ne sommes plus dans une relation avec la Ville, mais avec l’État, car les cathédrales antérieures à 1905 sont sa propriété.
Est-ce que vous avez professionnalisé la recherche de fonds ou faites-vous uniquement appel à des bénévoles ?
Nous avons professionnalisé, mais en interne. La collecte est dans les gènes de l’église, car nous ne vivons que des dons collectés. Sans collecte, l’église ne peut pas fonctionner, autant pour les activités cultuelles que non cultuelles. L’entretien du patrimoine relève du non cultuel et c’est notre savoir-faire qui nous permet de lever des dons.
Pour le moment, nous nous sommes attaqués aux édifices les plus menacés, comme les églises Saint-Merry, Saint-Augustin et la Madeleine. Puis, de manière opportuniste, nous avons élargi à d’autres édifices, suite à l’importance numéraire de certains dons.
À l’heure actuelle, les dons ne couvrent pas encore la totalité des besoins. Nous apportons donc des compléments qui peuvent permettre de commencer certains chantiers, de remettre en état des parties visibles.
Collectez-vous des fonds auprès des entreprises ?
Pas beaucoup. Nos donateurs sont plutôt des particuliers car, en France, les entreprises sont très prudentes en ce qui concerne la religion. Elles ne souhaitent pas être accusées de privilégier tel ou tel culte, même en ce qui concerne la restauration du patrimoine.
Faites-vous des campagnes de financement participatif ?
Très peu et uniquement pour des restaurations minimes parce que le participatif ne permet pas encore de récolter de grosses sommes. Par exemple, les coûts de restauration de l’église de la Madeleine (intérieur et extérieur) sont de l’ordre d’environ 12 millions d’euros. Pour Notre-Dame, nous avons besoin de 150 millions d’euros. Les budgets sont donc trop conséquents pour du financement participatif.
Pourtant, ne pensez-vous pas que cela permettrait au grand public de se sentir encore plus concerné ?
On s’est posé la question. Néanmoins, même s’il faut faire feu de tout bois pour restaurer les églises (comme mettre des bâches publicitaires qui pourrait rapporter plus de 3 millions d’euros pour chaque édifice), ce n’est pas notre priorité, pour le moment.
Le mot de la fin ?
L’ensemble de nos fondations a fait l’objet d’un audit de la Cour des comptes. Nous en sommes sortis avec les félicitations. Cela crédibilise encore plus nos actions en faveur de la restauration du patrimoine religieux parisien, et c’est un vrai gage de confiance pour nos donateurs.