La plupart des candidats à l'élection présidentielle ont déployé avec plus ou moins de bonheur leur traditionnelle opération de séduction lors du salon de l'agriculture. Certains ont même rivalisé entre eux pour battre des records de présence en visitant tous les stands et en dégustant toutes les spécialités régionales devant l'ensemble des micros et caméras. François Hollande y a passé neuf heures, battant ainsi son record de présence du quinquennat.
Pour Jean-Luc Poulain, président du salon, « on n’attendait rien des sortants mais on espérait un débat de fond avec les candidats, et on a été déçus. » En effet, comment ne pas être déçu quand on sait que depuis la mise en place de la politique agricole commune (PAC) à la fin des années 50, les responsables politiques de tous bords ont développé le produire plus, la modernisation, les économies d'échelles. A chaque crise, la réponse a été identique : il faut grossir, augmenter la taille de son élevage, ce qui entraîne automatiquement une surcharge de travail, la mécanisation pour compenser, l'emprunt pour financer. Cette politique a été accompagnée pendant toutes ces années avec bienveillance par la FNSEA, principal syndicat agricole.
Fédération de fédérations, la FNSEA représente l’agriculture française au niveau, national, européen et mondial. Elle est membre du Conseil de l'agriculture française (CAF) en France, du Comité des organisations professionnelles agricoles (COPA) dans l'Union européenne et l’Organisation mondiale des agriculteurs (en lien direct avec l'Organisation mondiale du commerce) au niveau mondial.
D'après la confédération paysanne, organisation syndicale représentative, la FNSEA soutient le système agricole conventionnel, promeut l’industrialisation des exploitations, l’exploitation animale, l’utilisation de pesticides dans un but de rentabilité, de productivité et de compétitivité. Elle défend activement les droits et causes des agriculteurs intensifs lorsque leurs intérêts sont menacés et s'oppose régulièrement aux normes et contraintes environnementales par l'organisation d'importantes manifestations et lobbying.
Enfin, certains dénoncent une situation de conflit d'intérêt du fait des multiples casquettes qui ont été portées par Xavier Beulin, président de la FNSEA, décédé brusquement le 19 février 2017.
Le suicide des agriculteurs
Par la multiplication de contraintes administratives et environnementales, le système du « toujours moins cher », la politique des travailleurs détachés dans les abattoirs allemands payés 3 € de l’heure et le développement des fermes usines, le monde politique et la commission de Bruxelles ont acculé les agriculteurs français à mettre fin à leurs jours.
Trop de pression de toute part, trop de dettes, les paysans ne savent plus comment survivre dans un système qui pousse à leur disparition au profit de l’agro-industrie. La crise actuelle des éleveurs notamment est le symptôme de la faillite d’un mode de développement agricole. Un système qui est allé au bout de sa logique et inévitablement, les paysans disparaissent massivement à chaque crise, victimes des politiques publiques.
Un membre de l’association « Solidarité paysans en Ille-et-Vilaine » raconte : « Il y a deux semaines, on a appris, pour une famille, qu’une dame brûlait toutes les factures. Son mari, ses frères, personne ne se doutait de rien, tout semblait aller bien. Et puis, la dame a vu paraître, dans un journal agricole, l’avis de liquidation de leur ferme. Elle s’est suicidée. »
L’association a vu aussi un autre agriculteur très dépressif : « Son lait n’est plus collecté, mais il ne veut pas arrêter. Il avait mis de l’argent de côté, donc pour le moment, il reste avec ses animaux, mais il ne vend plus rien. Ca ne pourra pas durer longtemps comme ça. Je ne sais pas comment il va faire. »
Des histoires comme celles-là, il y en a beaucoup. Elles ne relèvent plus de l’anecdotique. 400 à 500, c’est le nombre de suicides d’agriculteurs recensés chaque année en France, d’après des chiffres provenant des Caisses de la Mutualité sociale agricole (MSA) et de l’Institut national de veille sanitaire (inVS). Mais le chiffre réel est sans doute bien supérieur aux statistiques et certains observateurs parlent même de 600 suicides par an.
Alors que ceux-ci sont au bord du gouffre, les annonces gouvernementales et tables rondes se succèdent. Tout le monde clame haut et fort qu'il faut sauver l'élevage, que les grandes surfaces doivent augmenter les prix, que l'on doit manger français, etc. On évoque tantôt l’embargo russe, tantôt la conjoncture défavorable pour expliquer la crise. Mais celle-ci est avant tout structurelle depuis des dizaines d'années et les agriculteurs, éleveurs ou pas, sont d’abord victimes d'un manque criant d'anticipation et de clairvoyance des décideurs politiques.
Face à ce désarroi, François Hollande et le ministre de l’Agriculture Stéphane Le Foll soutiennent les accords de libre-échange avec l'Amérique du Nord (CETA) qui vont détruire à jamais la production de viande bovine en France et mettre à rude épreuve les autres filières d'élevage.
L'agriculture intensive est dans le mur et il faut faire le choix d'une agriculture d'avenir, compatible avec les enjeux climatiques, qui valorise l'environnement au lieu de le détruire, d'une agriculture qui crée de l'emploi, vivifie les territoires, relocalise la valeur ajoutée accaparée par les multinationales de l'agroalimentaire et les milieux financiers...
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