« Icônes de l’art moderne – la Collection Chtchoukine »
vient de fermer ses portes ce dimanche 5 mars.
Elle a accueilli en quatre mois et demi 1 205 063 visiteurs.
C’est l’exposition qui détient en France le record
de fréquentation d’une exposition d’art, dépassant
l’exposition « Toutankhamon et son temps »
qui avait attiré en 1967, au Petit Palais, 1,2 millions
de visiteurs en six mois. C’était le must en 2016
à tous points de vue.
Christian Cornelius (Xan) Krohn, Portrait de Sergueï Chtchoukine, 1916 Huile sur toile 191 × 88 cm Musée d’État de l’Ermitage, Saint-Pétersbourg
Anne Baldassari
Conservateur du Patrimoine
Commissaire général de l’exposition
Directeur du catalogue
L’organisation parfaite et la circulation devant les
oeuvres et dans le musée expliquent ce record.
Occultée durant près d’un siècle pour des raisons
idéologiques, la collection de Sergueï Chtchoukine
reste encore aujourd’hui méconnue du grand public.
De fait, depuis sa dispersion en 1948, elle n’a jamais
été réunie comme une entité artistique singulière
et cohérente. L’exposition
Gustave Courbet
« Icônes de l’Art moderne » en présentant à Paris une
sélection emblématique de cent-trente oeuvres
de la collection Chtchoukine a visé à lui restituer
toute sa valeur patrimoniale comme à
la resituer à sa juste place dans l’histoire de l’art moderne,
celle d’un des premiers foyers
d’« insurrection de la peinture » (André Breton).
C’est à partir de 1898 que Sergueï Chtchoukine,
grand industriel moscovite, entre en contact
avec les marchands Paul Durand-Ruel, Ambroise Vollard,
Berthe Weill, puis Georges Bernheim et
Daniel Henry-Kahnweiler.
Les relations affinitaires qu’il entretient avec les artistes
comme Matisse, influencent fortement la formation
de sa collection exemplaire de l’art le plus radical de son temps.
Grâce à la généreuse participation du Musée d’État de l’Ermitage
et du Musée d’État des Beaux-Arts Pouchkine qui ont
contribué à l’élaboration du projet, l’exposition présente
un significatif ensemble de 127 chefs-d’oeuvre des
maîtres impressionnistes, postimpressionnistes et
modernes de la collection Chtchoukine, tout particulièrement
représentatifs de l’art de Monet, Cézanne, Gauguin,
Rousseau, Derain, Matisse ou Picasso, mais aussi de Degas,
Renoir, Toulouse-Lautrec ou Van Gogh.
Claude Monet
L’exposition traite également de l’impact de la collection
Chtchoukine ouverte au public dès 1908 sur la formation
des mouvements cubofuturistes, suprématistes et constructivistes,
à travers un ensemble de 31 oeuvres (29 peintures, papiers collés,
constructions et reliefs, et 2 sculptures) des artistes majeurs
de l’avant-garde russe (Galerie Trétiakov, Musée d’art
contemporain de Thessalonique, Musée Pouchkine,
Stedeljik Museum, MoMA). L’exposition réunit ainsi
des chefs-d’oeuvre des maîtres tels que Malévitch,
Rodtchenko, Larionov, Tatline, Klioune, Gontcharova,
Popova ou Rozanova.
Un parcours muséographique en treize grandes
séquences a permis de suivre l’évolution du goût
du collectionneur russe « découvreur » de l’art moderne
depuis la toute première collection de toiles romantiques
et symbolistes qu’il réunit au tournant du siècle jusqu’aux
ensembles stupéfiants de modernité de Matisse et surtout
de Picasso dont les oeuvres furent alors frappées par l’anathème
de « peste noire ».
Composant des ensembles monographiques
(Monet, Gauguin, Matisse, Picasso)
Picasso
ou thématiques (Première collection, Paysage, Autoportraits,
Portraits, Natures-mortes), ces séquences ont suivi le fil
chronologique de la période 1898-1914.
L’exposition a ainsi rendre compte et a synthétisé les polarités
particulières auxquelles obéit la collection Chtchoukine
où culmine le genre du paysage avec près de quatre-vingt-dix toiles
sur les deux-cent-soixante-quinze numéros de la collection.
Puis suivent des ensembles d’oeuvres dédiés aux portraits,
essentiellement féminins, (près de soixante-dix oeuvres),
aux natures mortes (une quarantaine d’oeuvres), aux compositions
mythologiques et religieuses évoquant ce « temps
des cosmogonies » invoqué par Matisse (une quarantaine d’oeuvres),
et enfin aux scènes de genre (une dizaine d’oeuvres).
Matisse
Le genre du nu, véritable sujet tabou pour Chtchoukine prit le plus
souvent dans sa collection la forme elliptique d’allégories telles
que Le Bois sacré, (Maurice Denis),
Nymphe et satyre (Matisse), ou Trois Femmes (Picasso).
Matisse
Sergev Chtchoukine1854-10 janvier 1936
1917 Révolution et prise du pouvoir par Lénine
et les bolcheviks.
29 octobre 1918 Décret de nationalisation de la
Collection Chtchoukine (274 oeuvres).
1919 Création du Musée de la nouvelle peinture occidentale
(collections Chtchoukine et Morosov).
1922 Transformation du Musée de la nouvelle peinture
occidentale en Musée national d’art moderne occidental (GMNZI).
25 octobre : Ekaterina, Michel Keller son époux et leurs six enfants
quittent la Russie pour Riga, puis pour la France.
1928 Fusion des deux départements historiques du GMNZI.
La collection Chtchoukine est déménagée dans l’ancien
palais Morozov.
10 janvier 1936 Décès à Paris de Sergueï Ivanovitch Chtchoukine,
âgé de quatre-vingt-deux ans.
6 mars 1948 Décret de Staline ordonnant la dissolution du GMNZI.
Les collections sont réparties entre le Musée d’État des Beaux-Arts
Pouchkine à Moscou et le Musée d’État l’Ermitage à Leningrad.