Autour de 1982.
J'ai peut-être 10 ans. 11 max. Je ne suis pas au secondaire. J'attends l'autobus pour me rendre à l'école. Dans ma rue, près de l'arrêt, il y a la maison du père Côté. Une maison où se trouve un "père"religieux comme on en trouve dans les églises et les écoles catholique. Étrangement, on ne le verra jamais en habit d'église. Il sera toujours en civil. En polo. Il habite une maison en retrait, contrairement aux autre maisons de notre rue qui sont assez près du trottoir et de la rue. En face du terrain où il habite, il y a un petit bout de forêt. Bout de forêt qui deviendra des logements à partir du moment où je serai au secondaire.
Mais en 1982, c'est un boisé qui attire les enfants de notre âge. On s'y retrouve souvent. D'autant plus que les Poulins habitent tout juste à côté du père Côté et que leurs deux fils sont parmi les amis de "la gang". On y joue à la guerre et à la cachette. On y cherche des trésors. Les plus grands ados doivent venir y fumer des cigarettes et y boire de "la bière d'alcool",
Le terrain du père Côté est en retrait comme je disais et plus loin encore, donnant presque sur la rue derrière, se trouve une vieille maison abandonnée. De deux étages. On aime encore plus s'y rendre. Surtout depuis qu'on a osé monter au second étage, qu'on y a trouvé un frigo débranché et qu'on a fait croire aux filles qu'il y a avait une tête dans le frigo. Ce qui donne une dimension de frayeur à nos épopées dans le coin. Et comme on sait qu'il n'y a pas de tête, on passe pour les braves et les héros auprès des filles. Le père Côté n'aime pas du tout qu'on passe par là parce qu'on est forcé de passer sur son terrain, souvent en vélo, et comme il circule parfois en voiture, il a peur de nous frapper alors qu'on envahirait son terrain. Ma tête avait effectivement accoté un de ses pneus, après avoir dérapé en vélo dans un face-à-face vélo/voiture.
L'arrêt d'autobus se trouve sur le trottoir entre chez lui et le bout de forêt en face.
Le père Côté n'est jamais seul chez lui. Il y a toujours plusieurs "soeurs" et au moins un ou deux hommes d'églises qui eux, sont toujours accoutrés de leur costume d'église. Le costume des soeurs religieuses est impressionnant. Voilà des jeunes femmes qui ont volontairement choisi de porter la longue robe qui descend jusqu'au sol. Une tunique. Toujours noire. Avec un collet ouvert sur une chemise blanche, des manches blanches, là où la tunique ne suit plus au niveau des biceps, et une grande coiffe de laine d'une aune un tiers blanche. De leur peau, on ne distingue que les mains (mais encore là, pas toujours), et le visage du front au menton. Il doit faire si chaud en dessous de tout ça...
Jamais, avant ce moment, je ne réalisais que ces filles, parfois très belles, choisissaient de se soustraire à la liberté de manière aussi lourde. Il faisait chaud. Et ces pauvres jeunes femmes étaient habillées en ours. Alors qu'à mes côtés il y avait deux jeunes filles, du secondaire, en robe d'été et en jupe courte.
Les deux jeunes soeurs qui sortaient de chez le père Côté allaient aussi prendre l'autobus avec nous. J'ai peut-être passé pour galant malgré moi, mais c'était plutôt parce que les 4 filles/femmes étaient plus vieilles que moi que je les ai laissé monter dans le bus avant moi.
C'est fou ce qu'une cuisse dénudée peut être absurdement séduisant pour un pré-ado. (still today...). Me voilà assis face aux deux filles (qui se connaissent, moi pas tellement) avec aussi dans mon champs de vision les deux nonnes. Les deux religieuses me regardent sans arrêt. Comme si elles veillaient sur mes pensées de luxure. J'ai pas encore 12 ans christ! Je ne le dis pas, à voix haute car je les aurais offusqué, mais je le pense. Et oui! je dois avoir des idées libidineuses, puisque j'ai l'impression qu'elles guettent mes pensées sur le sujet. C'est con, parce que je leur renvoie leur regard et je finis par en trouver une des deux assez séduisante et désirable, elle aussi.
J'ai mon super walkman jaune qui me classe dans les "cools" de l'école par sa simple tenue à ma taille et il fait résonner mes sons préférés dans les oreilles. Même si toute cette féminité voulait s'entretenir avec moi, elles ne pourraient pas le faire, je ne les entends pas. Et pourquoi le feraient-elles de toute manière? les deux filles d'à peu près mon âge sont amies et se jacassent sans arrêt et les deux religieuses se partagent Dieu. Je suis la 5ème roue. J'ai ma musique.
Les deux nonnes ne me lâchent pas des yeux. Sourires au bec.
C'est vrai que les jambes des filles devant moi me bouleversent un peu. Sauf que je me garde une petite gêne en ne les regardant jamais. Ou je devrais dire plus sincèrement que je suis subtil quand mon regard y glisse. Je le crois du moins. Je me sais observé. Je me contente de m'imaginer avec elles à la plage. Les deux filles de presque mon âge me tendant une bouteille de lotion solaire pour que je les crêm...Je m'arrête. Nous sommes rendus à l'école.
Une fois rendus à l'école, je passe devant les deux religieuses avant de sortir du bus. Elles me sourient toutes deux de leur plus beau sourire. Ma musique se trouve entre deux morceaux et j'entend ce que les religieuses se disent tout bas:
"Quel joli petit garçon..."
"Cute little boy" dit l'autre, visiblement anglophone.
Elle avait des taches de rousseur, celle-là, je la devinais rousse sous la coiffe, irlandaise peut-être, et jeune...niiiiiiiiiiiice...
Je suis à l'orée du champs des désirs, elles choisissent le ravin du même code régional
Les religieuses avaient toutes deux les joues rosées.
Si seulement elles savaient le flot de mes pensées.
Elles le savaient probablement, justement.