Léandre Ribera a beaucoup d'humour et de poésie mais il n'a Rien à dire, et rarement titre de spectacle aura été aussi juste. Aucune parole n'est prononcée et pourtant une infinité d'émotions circule.
La scénographie surprend. On croit voir des copeaux de bois recouvrir le plateau et on découvrira avec étonnement que c'est tout autre chose, et je ne vous dirai ni quoi ni comment.
Un vent puissant souffle alors que le personnage tente d'ouvrir une porte. Ce serait trop facile de rentrer chez lui par l'entrée. Il choisit une armoire.
Et pour allumer le plafonnier ce sera un parcours semé d'embûches qui le fera traverser la salle et solliciter l'aide de quelques spectateurs. Voilà comment faire de la gymnastique sans en avoir l'air.
Les enfants rient, ayant compris avant les adultes que nous avons pénétré avec l'artiste dans un monde surréaliste. On ne s'étonnera bientôt de rien. Ni des situations, toutes plus comiques les unes que les autres, ni de sa manière de mettre les spectateurs en confiance pour les inciter à devenir son partenaire sur la scène. Quand certains ridiculisent ou font faire une sorte de figuration ce sont de vrais rôles que Leonard confie à de parfaits inconnus qui n'ont jamais répété avec lui. En acceptant le risque que cela ne tourne pas exactement comme il le voudrait. La scène devient alors plus drôle encore et le clown peine à retenir ses rires. Ce n'est pas facile de bouger en miroir.
Ce personnage drôle et attachant nous ouvre les portes de sa maison, une maison sans mur, pleine de vides, de trous vers l’absurde. Avec des monstres dans les placards, un cintre vierge en guise de penderie, une machine à laver sous le parquet, une table forcément bancale et une chaise bringuebalante. Tout un monde fait de déséquilibres, de rires, de chaussettes volantes, de pluie de parapluies, de miroirs joueurs, de cadeaux surprise, de lampes farouches et de pianos télépathiques… Il n'y a aucune logique à chercher.
Le clown s'est aguerri en multipliant les spectacles. Son équilibre est solidement ancré sur en constant déséquilibre. Tiraillé entre bêtises, vieux démons, esprits frappeurs et beaucoup de rêves de toutes les tailles.
Quand on ne s'exprime pas avec des mots il faut soigner la communication. Léandre a le sens du mime, que ce soit des émotions, comme la peur dans une maison hantée, des ordres à donner à un camarade de jeu, voire même au public tout entier qu'il transforme d'un geste en troupeau de canards croqueurs de céréales ou en équipe de joueurs de boules de neige. Il excelle dans le comique de l'absurde mais il y nage avec poésie, ce qui fait de son spectacle un moment partageable en famille.
Il s'affranchit des codes de la bienséance comme de l'hygiène. Il ne craint pas de multiplier les gaffes et nous sommes volontiers complices de ce clown un peu magicien qui fait tomber les bulles comme autant de flocons de neige. De ce golfeur aussi emprunté qu'Alice au pays des merveilles engageant avec la Reine de coeur une partie de croquet avec pour maillet de longs cous de flamands roses.
Il installe l'absurde sur la scène du théâtre avec naturel. Plus tard il transformera un enfant en marionnette sous le regard étonné de la mère qui filmera la scène depuis son fauteuil avec son portable.
L'artiste est espagnol, et c'est en toute logique qu'il a obtenu deux récompenses en 2014, d'une part le Prix "cirque" de la ville de Barcelone et d'autre part celui de la meilleure mise en scène de la région Catalogne, ce qui lui vaut de faire une longue tournée (dates sur le site de l'artiste).
Arrivé porté par une bourrasque, reparti emporté par un coup de vent. Rien à dire, rien à redire. On a tout aimé. Revenez-nous vite.
Rien à dire
Mise en scène, costumes et jeu Léandre Ribera
Création scénographie Xesca Salvà
Construction scénographie El taller del Lagarto : Josep Sebastia Vito “Lagarto”, Gustavo De Laforé Mirto
Création lumière et production technique Marco Rubio
Composition musicale Victor Morato
Production Agnès Forn
Diffusion en France D’un acteur l’autre Odile Sage
Le dimanche 26 février 2017
Au Théâtre Victor Hugo
14 Avenue Victor Hugo, 92220 Bagneux
Téléphone : 01 46 63 10 54
A signaler que le Théâtre Victor Hugo attache une importance capitale au rire, en l'occurrence le rire au théâtre, qui sera exploré dans les évolutions et les retournements du rire théâtral, de l’Athènes du Ve siècle à la France du XXIe siècle. avec Bernard Faivre, Professeur émérite d’Études théâtrales de l’université de Paris Ouest Nanterre La Défense (Paris X), au cours de six conférences, certains samedis, de 11h à 13h, suivies d’un petit brunch.
Parce que le théâtre comique, à chaque époque, souffre d’un étrange paradoxe : il est le plus souvent dévalorisé (le genre noble, c’est de faire pleurer, pas de faire rire), mais en même temps, c’est le comique que plébiscitent les spectateurs.
Après le rire antique (Aristophane et Plaute), le rire médiéval (Jeux, farces et mystères), le rire Renaissance et Clasique (De Machiavel à Molière) c'est au rire de la Commedia Dell'Arte (De l’improvisation à Marivaux et Goldoni) que vous êtes conviés le samedi 18 mars 2017.
Ce sera ensuite, le samedi 22 avril, le rire du Vaudeville (Labiche et Feydeau) qui sera distingué du rire théâtral d'aujourd'hui (Théâtre de boulevard et solistes comiques) le samedi 20 mai.Les photos qui ne sont pas logotypées A bride abattue sont DR.