Mais comment cette idée que je puisse m’appliquer à ranger le bois de chauffage a-t-elle pu te venir ?
Faut-il que ta vie soit un désert pour croire une seule seconde en l’importance et la nécessité de s’appliquer à des piles de bois dont on n’attend rien d’autre qu’elles restent au sec sans s’effondrer
Comment peux-tu penser qu’une telle idée ait pu germer aussi dans une tête comme la mienne ?
Une tête pleine de poèmes encore non écrits pleine d’espoirs déçus mais néanmoins splendides et glorieux
Une tête faite exprès par le Bon Dieu pour se remplir de saudade de chants de musique de somptueuses pensées lubriques et de rêves éveillés et solaires ?
Ou peut-être me prends-tu pour un Suisse appliquant sa technicité horlogère à la régularité et à l’esthétique de ses empilements de bûches ?
Ou bien as-tu fini par croire que j’étais devenu « un vrai jurassien » ou quelque chose comme ça ?
Alors que je suis à peine le reflet du miroir de la salle de bain des vitres et de la flaque de pluie sur la route forestière
© Éditions Orage-Lagune-Express 2013