Une amie est inquiète que sa fille ne trouve pas de stage. Cette dernière répond à sa mère qu'il lui reste encore du temps, d'arrêter de la harceler.
Cela m'a rappelé mon propre cas. J'avais rempli un dossier pour être scientifique du contingent. Mais ma mère avait voulu que je sois "pistonné". Comme beaucoup de mère, elle était un as du changement. Elle avait remarqué qu'un de ses collègues, hiérarchiquement modeste par ailleurs, avait une épouse au ministère de la défense. Et la dite épouse m'a mis en contact avec les personnes qui attribuaient les places de scientifiques. Pas besoin d'être un ponte pour avoir du piston. Entre petites gens, on s'entraide. Je me suis rendu au rendez-vous, parce qu'avec ma mère toute résistance était vaine. On m'a proposé un grand nombre d'offres. Cela allait, si mes souvenirs sont bons, d'un travail sur la résolution par ordinateur d'équations de mécanique quantique, à Normale Sup, au poste de chauffeur du général Audran. (Il fut victime d'un attentat, quelques temps après.) J'ai expliqué, en toute bonne foi, qu'il fallait un normalien à Normale Sup et qu'avec moi au volant, le général risquait sa vie. Et je suis parti sans rien. Mon dossier a abouti. J'ai fait un service à Bourges, dans un bureau d'études de l'armement. On ne m'y attendait pas. Si bien que j'ai passé un an à écrire un programme que j'aurais pu achever en une semaine. Quant à sortir... A dix-huit heures le couvre-feu s'abat sur Bourges. Aurais-je moins perdu mon temps avec la mécanique quantique ? J'ai joué les anthropologues dans un monde que l'on a peu l'occasion de côtoyer. Et je me suis fait des amis.
Bref, on ne fait pas le bonheur de ses enfants contre leur volonté.