[Critique] SWISS ARMY MAN

Par Onrembobine @OnRembobinefr

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Titre original : Swiss Army Man

Note:
Origine : États-Unis
Réalisateurs : Daniel Kwan, Daniel Scheinert
Distribution : Paul Dano, Daniel Radcliffe, Mary Elizabeth Winstead…
Genre : Comédie/Drame/Fantastique
Date de sortie : 1er mars (Netflix)

Le Pitch :
Hank, naufragé sur une île déserte, attend depuis trop longtemps la délivrance. Lassé, fatigué, il décide d’en finir avec la vie. Alors même qu’il s’apprête à se pendre, il repère un corps sur le rivage. Dans un premier temps inanimé, celui-ci se met pourtant à bouger soudainement. Hank comprend alors que ce cadavre pas tout à fait mort mais pas totalement vivant non plus, pourrait lui offrir une chance de regagner le continent. Commence une folle aventure au-delà des océans…

La Critique de Swiss Army Man :

Imaginez un film où le mec un peu coincé de There Will Be Blood rencontrerait le gars d’Harry Potter. Ce dernier étant aussi mort que la carrière de Jean-Luc Lahaye. Harry qui ne lancerait pas des sorts avec sa baguette magique, mais qui passerait son temps à péter, au point de pouvoir s’auto-propulser sur l’eau ou dans les airs. Un cadavre qui n’en serait pas tout à fait un, également doué de parole et de tout un tas de dons plus ou moins utiles. Vous y mettez des trucs dans la bouche, il se transforme en fusil, vous lui tendez un verre et il crache de l’eau. Imaginez un peu le truc… Et bien en fait, pas besoin d’imaginer quoi que ce soit. Il suffit de regarder Swiss Army Man car c’est en substance ce que propose ce film complètement délirant…

Prout et autres conséquences

Le pitch de Swiss Army Man, le projet complètement fou de deux Daniel, Kwan et Scheinert, suffit à attirer l’attention. Reste à savoir si le film dans son ensemble s’en montre digne ou se résume à une succession de trucs complètement cons accolés les uns aux autres dans le seul but de livrer quelque chose de différent.
En substance donc, Swiss Army Man arrive à bâtir du solide sur son postulat. Est-il révolutionnaire pour autant ? Non. Pas tant qu’on aurait pu le croire en tout cas, tant les metteurs en scène et le scénario adoptent une structure et se reposent sur une ambiance très calibrée selon les canons du cinéma indépendant typé Sundance. Ce n’est pas un mal mais il faut le souligner. Swiss Army Man qui poussa d’ailleurs des spectateurs de Sundace à s’indigner. Il faut croire que pour certaines personnes, voir Daniel Radcliffe camper un cadavre pétomane est juste trop dur à encaisser. Cela dit, si les ficelles sont finalement assez voyantes, le long-métrage exploite avec un certain brio la relation de cet homme désespéré et seul et de ce mort-vivant pas du tout affamé mais à n’en pas douter attachant et très sage de par sa propension à dispenser de précieux conseils. Une relation qui se tisse au fil des minutes et qui donne lieu à des séquences plus ou moins drôles, à base de prouts ou non, mais surtout très tendres. On y cause de la dépression, de la solitude, de l’amour et de la difficulté à trouver sa place dans la société. Il est aussi question d’émotion bien entendu. C’est même le cœur du film. L’amitié entre deux marginaux animés d’un profond désir de trouver leur place.

Des cadavres et des hommes

On appréciera donc le côté jusqu’au-boutiste du film. Et ce dès que Paul Dano monte sur le dos de Daniel Radcliffe pour l’utiliser comme jet-ski. Régulièrement, Swiss Army Man fait honneur à son titre. Car c’est exactement ce qu’est Radcliffe là-dedans : un couteau suisse humain. Un corps à peine animé capable de faire plein de choses pour aider son nouvel ami. Mais heureusement, le long-métrage ne s’arrête pas là et va plus loin comme souligné plus haut.
Swiss Army Man qui vaut principalement par son ambiance douce-amère. Très original mais jamais vraiment trash, pipi-caca mais pas vraiment régressif, il instaure une tonalité entre deux eaux, qui au final, donne une identité propre au récit, qui a néanmoins du mal à se détacher des lieux communs propres à un certain cinéma indépendant. Il y a aussi un petit soucis de rythme à mi-parcours, mais rien de vraiment dommageable, tant l’émotion arrive à percer plus d’une fois, sauvant l’intégrité de l’ensemble, qui sonne avec une vibrante sincérité.
Atypique, Swiss Army Man l’est évidemment aussi parce qu’il met en scène Daniel Radcliffe dans un rôle complètement fou, prouvant la capacité de l’acteur à se mettre en danger dans un joyeux état d’esprit empreint de liberté, qu’on ne voit pas si souvent dans les hautes sphères du septième-art américain. Radcliffe dont la faculté à embrasser des personnages très différents les uns des autres, n’est donc plus à prouver. Ici plus que jamais, il tente des choses, sort de sa zone de confort et livre une performance qui évite, par la seule grâce de son talent, de sombrer dans la bouffonnerie. À ses côtés, Paul Dano aussi est méritant. C’est son personnage qui donne la direction et qui instaure cette mélancolie prégnante présente tout du long. Un duo dont l’excellente tenue repose sur une grande alchimie et sur cette faculté à exprimer beaucoup de choses parfois au-delà des mots.
Sans eux, sans la pertinence de leur approche et leur sensibilité à fleur de peau, Swiss Army Man n’aurait pas eu la même prestance c’est certain. Un film mémorable par la seule force de son pitch qui au final, s’avère peut-être moins stimulant que prévu, mais qui reste quoi qu’il en soit atypique et très attachant.

En Bref…
Un projet complètement fou porté par un Daniel Radcliffe en pleine possession de ses moyens, qui prouve qu’avec du talent, de la passion et un peu de culot, tout est possible, ainsi que par un Paul Dano garant d’une belle émotion. Les ficelles sont un peu grosses mais le film arrive au final à imposer sa personnalité et sait cultiver son incroyable pitch sans trop en faire. Pour autant, c’est quand il joue à fond la carte de la sensibilité qu’il gagne ses galons.

@ Gilles Rolland