À l'approche du carême, Pascal Ide, prêtre du diocèse de Paris, membre de la communauté de l'Emmanuel, médecin et docteur en philosophie et théologie, nous éclaire sur ces péchés dont découlent tous les autres. À la racine de nos maux, ils nous font miroiter un bienfait illusoire pour, au final, nous détourner de Dieu. Interview.
Revenons sur la définition du péché capital... Souvent, nous confondons péché capital et péché grave ou mortel (qui prive l'âme de la vie divine). Ainsi, la gourmandise est rarement un péché grave. Pourtant, on la compte parmi les péchés capitaux. Revenons à l'étymologie. Capital vient du latin caput « la tête ». Ainsi, le péché capital est un péché qui est à la tête d'autres péchés. C'est-à-dire qu'il en engendre beaucoup d'autres. Nous ne commettons pas spontanément un meurtre. Mais celui-ci vient d'un péché plus originaire, comme la colère ou la jalousie. Pour reprendre l'exemple de la gourmandise : celui qui n'est pas tempérant dans la nourriture, manque souvent de sobriété dans d'autres domaines, la parole, etc. On comprend donc que lutter contre un péché capital, c'est aller à la source, c'est couper les racines de nos péchés. Vous expliquez dans votre livre que pécher revient à se tromper de bonheur... C'est vrai du péché capital, mais c'est aussi vrai du péché en général. Derrière chaque péché, se cache une idole nous faisant croire à un vrai bonheur. Or, seul Dieu peut répondre à notre soif d'infini et nous combler. Pécher, c'est idolâtrer une créature, au lieu du Créateur. Il y a en effet une façon d'aimer son travail, son conjoint, son sport, son enfant, qui le place au-dessus de tout. Dès lors, le centre de nos vies n'est plus Dieu, mais ce à quoi nous sacrifions tout. Au fond, saint Augustin l'avait bien vu, le choix ultime se joue entre Dieu et nous : le péché est toujours une préférence de soi. Le péché est-il un acte libre ? Il l'est par définition. Sinon, nous n'avons pas affaire à un péché mais à une erreur, ou à une blessure. Est-on véritablement libre lorsque notre acte ou pensée mauvais a été provoquée par une blessure intérieure ? Tout conditionnement, comme une blessure ou un trait d'éducation, amoindrit la liberté et donc excuse l'acte pécheur. Pour autant, il ne l'annule pas. Mille conditionnements ne font pas un déterminisme. Si, dans ma famille on mentait ou médisait, j'aurais tendance à minimiser ces péchés. Mais, d'abord, je peux constater que lorsqu'on ment sur moi ou qu'on détruit ma réputation, je me sens blessé. Cela me permet de comprendre que lorsque je fais la même chose à l'autre, je détruis la relation de confiance. Ensuite, j'ai à former ma conscience morale, par exemple, en lisant la troisième partie du Catéchisme de l'Église catholique. Prenons un autre exemple. Quelqu'un dont l'éducation délétère aurait été telle qu'on l'aurait toujours comparé à autrui : « Regarde ton petit frère, il est plus gentil que toi », « Regarde ton voisin, lui au moins réussit bien dans ses études », etc. Comment cette personne ne serait-elle pas soumise à la tentation de la jalousie ? Mais, même si je suis tenté, une liberté en moi restera préservée. Non pas celle de ne pas ressentir cette tristesse qu'est la jalousie, mais celle de l'entretenir, ou non, en pensée, de l'actualiser par des critiques, et a fortiori par le rejet de l'autre.