Il fallait bien que ça m'arrive à nouveau. Que j'écoute un album en entier, sans m'arrêter, sans passer au bout de 45 secondes, lasse. L'écouter à nouveau avec la même excitation. Puis finalement appuyer sur stop, et me dire : ah ouais, quand même, c'était bon. Pourtant, Allan Rayman est bien loin de mon univers musical habituel. Il faut croire qu'on ne choisit pas de qui on tombe amoureux n'est-ce pas ?
Allan Rayman a la vingtaine. Il habite Toronto, et il est signé chez Communion Records, aka le label créé par Ben Lovett (Mumford & Sons), Kevin Jones (Bear's Den) et Ian Grimble. Allan Rayman ne donnait pas d'interview jusqu'à présent et se faisait très rare sur les réseaux sociaux. Il est plutôt difficile d'en savoir plus sur cet artiste captivant. Cependant, il y a quelques jours, il s'est confié pour la première fois à Billboard : " je suis un mec quelconque avec une vie pas très intéressante, mais je sais écrire des chansons et je suis créatif. Je ne cherche pas à impressionner qui que ce soit avec mon histoire. Ces derniers temps, alors que j'étais chez moi, je me demandais pourquoi est-ce que tout ça m'arrivait, à moi en particulier ? Je n'ai pas encore la réponse. "
Le Canadien dit avoir toujours fait de la musique, mais s'être véritablement lancé, il y a deux ans seulement, par le biais de son alter-ego musical Mr Roadhouse, qui n'a pas de filtre. L'artiste qui se décrit comme " singer-songwriter " est donc plutôt prolifique pour quelqu'un qui écrit de façon sporadique :
" J'aime la musique c'est certain, mais je ne suis pas un artiste qui passe tout son temps à écrire des chansons. Je ne m'assieds pas à un piano et me mets à écrire comme ça, c'est éparpillé. J'ai des élans créatifs soudainement, et je me dis 'allons-y'. Quand ça arrive, c'est une bonne semaine, puis je retourne glander ".Le deuxième album d'Allan Rayman, Roadhouse 01, est une pure bombe mélangeant R'n'B, hip hop, soul et un peu rock. Musicalement, on a de tout, mais on a aussi le sentiment d'écouter un musicien exceptionnel, un artiste qui ne se cantonne pas à ce qu'il sait déjà faire. Il tente, il s'écarte, mais il maîtrise. Il excelle. Roadhouse 01 vient de sortir et contient 13 titres écrits en total isolement dans une maison au fond des bois, pas loin de Lost Springs dans le Wyoming. 13 titres donc 3 featurings avec deux artistes de Toronto : Jessie Reyez et Adria Kain. Ce projet d'Allan Rayman est très noir, assez agressif. Sauvage même. On entend autant de la Motown (" Jim's Story ") et du Michael Jackson (" 13 ") que du Drake et du Tupac (" December ").
Sa musique est très esthétique, avec des côtés anxiogènes de thrillers ou de drames (écoute ce rugissement de guitare au début de " Left Alone ", ou plonge toi corps et âme dans la très Kill Billienne " Hollywood/My Way "). Je lui trouve des airs de Ben Howard dans son timbre de voix (" Shelby Moves ") même si, sa musique est bien éloignée de l'indie-folk du Britannique.
Boîte à rythmes divers, grosses basses, synthés vintages, et effets électroniques à foison (" Head Over Heels "). Tout ça, ponctué de guitare électrique chevronnée et de textes mélancoliques où amour équivaut à destruction pour cet homme qui explique à Exclaim que " le danger pour moi, c'est dans le cas où une femme arrive dans ma vie et me fait perdre les pédales, alors ma musique est foutue. Parce que je serai capable de déménager en Alaska et devenir un pêcheur pour elle si c'est ce qu'elle veut... " L'ensemble est cohérent et extrêmement addictif. On est très vite envahi par une langueur et une distance inhérentes à l'univers glaçant et animal de cet artiste plein de mystères.
► Roadhouse 01, sortie le 24 février 2017 (Barclay/Universal). En concert le 9 mars au Carmen.
Tracklist :01. Wolf
02. December
03. Sweetheart
04. Repeat
05. Shelby Moves
06. Jim's Story
07. Left Alone
08. Faust Road
09. Hollywood/My Way
10. Head Over Heels
11. 25.22
12. 13
13. God is a Woman