Les manipulations vertébrales constituent l’un des traitements majeurs des douleurs mécaniques d’origine vertébrale.
Leur efficacité est prouvée pour les douleurs lombaires récentes, et probable pour certaines cervicalgies et lombalgies chroniques. Il reste encore beaucoup à faire pour mieux connaître leurs indications.
Qu’est ce qu’une manipulation vertébrale ?
Dans les pays anglo-saxons, le mot manipulation inclut plusieurs types de traitements : mobilisations, étirements, techniques myotensives et manœuvres dites à haute vélocité et faible amplitude. Ce sont ces dernières qu’en France nous appelons manipulations.
Il s’agit de « manœuvres articulaires brèves et sèches qui portent une articulation au-delà de son jeu physiologique sans dépasser ses limites anatomiques » (R. Maigne). Elles peuvent être directes (à bras de levier court), appuyant directement sur la vertèbre, ou indirectes (à bras de levier long), utilisant par exemple le bassin ou les côtes comme bras de levier.
La manipulation s’accompagne d’un bruit de craquement qui témoigne du brusque écartement des surfaces articulaires mises sous tension. Elle se déroule en trois temps successifs : mise en position du patient, mise en tension du segment vertébral et impulsion manipulative proprement dite.
Attention : Manipulation et craquement
• Il n’y a pas de manipulation sans bruit de craquement.
• Tout bruit de craquement n’est pas une manipulation.
Action non spécifique sur la douleur
Les manipulations ont un effet antalgique propre indépendamment de toute autre action mécanique vertébrale. Cet effet pourrait être liée à l’activation, par la manipulation, du système descendant d’inhibition de la douleur en réaction à l’étirement brusque des structures innervées (ligaments, disques, capsules).
Quelles sont les contre-indications des manipulations ?
• Pathologie tumorale ou infectieuse
• Présence ou possibilité de présence de fracture, d’entorse ou de luxation (rachis traumatique)
• Ostéoporose évoluée avec tassements
• Dissection de l’artère vertébrale en cours ou passèe (manipulations cervicales)
• Polyarthrite rhumatoïde avec atteinte cervicale (manipulations cervicales)
Il existe aussi des situations où il vaut mieux ne pas recourir aux manipulations : hyperlaxité ligamentaire diffuse (au niveau cervical, c’est une contre-indication), pathologie dégénérative inflammatoire, hernies discales en phase hyperalgique, patients psychologiquement instables ou avec pathologie névrotique ou psychotique.
Quelles sont les indications des manipulations ?
Indications générales
Les manipulations sont indiquées dans nombre de douleurs mécaniques d’origine segmentaire. Les critères prédictifs d’un bon résultat ont été très peu étudiés dans la littérature. On peut les schématiser comme suit.
Pour les lombalgies, les meilleurs résultats sont obtenus lorsque la douleur est installée depuis peu de temps, qu’elle n’irradie pas au-delà du genou, qu’elle ne présente pas de caractéristiques inflammatoires marquées (douleur nocturne, douleur forte au réveil, raideur matinale), que la contracture lombaire n’est pas trop forte (elle empêche la manipulation) et que le patient n’ait pas de craintes exagérées quant à sa lombalgie.
Pour les cervicalgies, les critères de bon résultat sont de même nature : symptômes récents, absence de radiculalgie, absence de symptômes d’inflammation, mobilité cervicale relativement préservée et absence de craintes exagérées concernant la douleur.
Pour les dorsalgies, soit la douleur est irradiée à partir du rachis cervical et les bonnes indications sont celles ci-dessus, soit elle provient du rachis thoracique, et il n’existe pas actuellement de critère prédictif de bon résultat.
Pour les coccygodynies, il ne s’agit pas de manipulations mais de mobilisations et d’étirements. Les meilleurs cas sont les cas récents, post-traumatiques, sans lésion radiologique. Les techniques manuelles font alors mieux que le placebo.
Dans tous les cas, l’absence d’amélioration après deux séances de manipulations doit faire reconsidérer le diagnostic et le traitement. Une amélioration dès la première séance est de bon pronostic.
Indications particulières
Le lumbago peut être une bonne indication aux manipulations. Certains pensent qu’il y aurait un risque de transformer un lumbago en sciatique. En fait, un certain nombre de sciatiques s’installent secondairement, après une phase de quelques jours de lumbago, de façon spontanée, sans qu’il y ait eu manipulation. La prudence reste cependant de mise.
La sciatique par hernie discale n’est pas une contre-indication en soi à la manipulation. Tout dépend de l’intensité des symptômes et surtout de la phase évolutive. En phase d’amélioration, lorsque la sciatique ne dépasse pas le genou, les manipulations peuvent être indiquées. Elles semblent hâter la guérison.
La présence d’un enraidissement arthrosique (cervical ou lombaire) rend techniquement impossible toute manipulation. C’est aussi le cas des ossifications diffuses de la maladie de Forestier qui bloquent le rachis. Des mobilisations répétées jointes à d’autres traitements manuels peuvent aider ces patients en les assouplissant.
Les lombalgies et sciatiques du canal lombaire étroit ne constituent pas une indication à la manipulation. Les chiropraticiens ont cependant décrit une technique sous traction, nécessitant une table spéciale (technique de Cox), qui pourrait être efficace dans cette indication, ainsi que pour les sciatiques discales.
Ostéopathie
En ostéopathie, les manipulations ont pour but de restaurer une mobilité normale, base d’un fonctionnement harmonieux de l’organisme. Cette conception repose sur une suite d’hypothèses non prouvées qui continuent de former la base de l’ostéopathie : une perte de mobilité entraîne un désordre, une douleur ou une maladie ; l’examen peut la détecter ; la manipulation redonne une mobilité normale ; la récupération d’une mobilité normale guérit la maladie.
L’ostéopathie a aussi développé, à côté des manipulations vertébrales, des techniques articulaires, crâniennes et viscérales.
Références : La revue le mal de dos, Jean-Yves Maigne.