Que vous soyez en poste dans une entreprise ou en train de créer votre startup, vous allez probablement être confronté à la création de produits ou de solutions que vous allez vendre à des clients. Comment s’assurer que son produit répond à un problème concret et aura une chance de toucher son marché ? Réponse ici…
Comme dit le proverbe, « il faut toujours viser la lune car en cas d’échec on finit dans les étoiles », mais justement : comment s’assurer que l’on vise la lune ? Eh bien, en suivant un modèle méthodologique. Et le modèle que nous apprécions tout particulièrement est le « Value Proposition Design » de Strategizer (achetez les livres, au passage !). Vous trouverez ici quelques conseils et les ressources indispensables pour bien faire fonctionner ce modèle.
1/ Identifier les activités stratégiques de vos clients
Même si vous avez déjà une excellente idée de votre projet, il va falloir à un moment le vendre. À des clients. Qui ont un métier, des tâches à réaliser, et votre produit va interférer avec ce métier et ces tâches, pour le mieux — je l’espère pour vous. La première chose à faire est donc d’identifier vos utilisateurs, c’est à dire les consommateurs de votre produit (ce ne seront pas nécessairement vos clients, il peut y avoir une différence entre l’utilisateur principal d’un produit et la personne qui paye pour financer ledit produit… exemple : Facebook ; les utilisateurs sont les particuliers, mais les clients sont les annonceurs).
Pour qu’un utilisateur se serve de votre produit, il faut que celui-ci lui apporte un gain dans son organisation quotidienne — je parle notamment pour le B2B. Voici donc une première fiche qui vous permet de lister les activités de vos utilisateurs et déterminer les « jobs » pour lesquels il y a un gain à trouver.
Rapidement on remarque l’intervention de deux aspects importants : « pain » / « gain » ; en bon français : « problèmes » / « bénéfices » (sous-entendu : bénéfices à utiliser notre solution).
Chaque activité peut être classée suivant la valeur qu’elle a pour notre projet. Si une activité à forte valeur ajoutée est pénible et peut être améliorée par un process, bingo. Un exemple ? Eliot, bien sûr, notre solution de détection de fraude aux OPCA.
2/ Établir les profils des clients
Étape suivante, détailler nos profils de clients.
Cette carte est indispensable, sans doute l’une des plus importantes sur le long terme. L’idée est de définir pour chaque segment de clientèle identifié quels sont :
- ses jobs (son boulot), de façon la plus découpée / atomique possible
- les problèmes rencontrés dans l’exécution de ce travail
- à quels bénéfices le client pourrait être sensible (ce qui améliorerait la qualité de son travail, son image, son confort)
L’astuce consiste ici à chiffrer un maximum de choses, notamment pour les problèmes et bénéfices. Par exemple : « je passe 2 heures par jour à chercher des informations sur comment monter ma start-up » (une solution possible sera de proposer une série de lien ou de conseils à un seul endroit — c’est ce que fait Strategyzer). Le chiffrage peut être en temps ou en espèces sonnantes et trébuchantes. Mais c’est une étape indispensable par la suite pour déterminer le bénéfice client.
Autre chose : ne rédigez pas seul mais posez des questions à vos clients pour déterminer leurs bénéfices et problèmes. Interviewer des clients, se mettre en contact avec eux, c’est indispensable ! Travaillez avec des post-it de couleur (c’est joli et c’est rigolo).
Voici des exemples de questions pour guider vos interviews. On commence par les problèmes :
- Que veut dire « trop coûteux » pour vous ? Que ça demande trop de temps, d’argent ou que ça réclame trop d’effort ?
- Qu’est-ce qui vous fait vous sentir mal dans votre travail ? Quelles sont vos frustrations, vos blocages, les choses qui vous empêchent de dormir ?
- Pourquoi votre solution actuelle ne répond-elle pas à votre problème ?
- Quelles réactions « sociales » négatives craignez-vous ? Craignez-vous de perdre votre réputation, la confiance de vos clients, votre statut, votre pouvoir ?
- Quelles sont les erreurs que vous commettez (d’après vous) ?
- Qu’est-ce qui vous empêche d’utiliser une solution qui résout ce problème ? C’est trop cher, trop compliqué à déployer, à apprendre ?
Et maintenant les bénéfices :
- Qu’est-ce qui pourrait augmenter la qualité de votre travail ?
- Qu’est-ce qui pourrait vous faire économiser de l’argent ? À partir de quelle montant économisé trouveriez-vous le gain substantiel ?
- Qu’est-ce qui pourrait vous apporter une réaction sociale positive (confiance, statut, pouvoir, …)
- Quelles sont vos aspirations à long terme ? De quoi rêvez-vous ?
3/ Définir la valeur que vous proposez à votre client
Là encore, pour chaque segment de clientèle (chaque carte client en fait), déterminez en quoi votre produit ou service peut créer du bénéfice ou résoudre des problèmes. Évidemment, les cases « gain creators » et « pain relievers » doivent répondre aux cases correspondantes côté client ! Sinon, eh bien… Vous résolvez un problème dont personne n’a cure. D’ailleurs, là encore, chiffrez les bénéfices que vous apportez, en temps ou en argent.
Juste un point de détail : je ne sais pas si vous avez remarqué, mais nous en sommes déjà à l’étape 3 et on ne parle de votre produit/service que dans un petit coin d’une case. Pourquoi ? Parce que ce qui compte, ce n’est pas votre produit/service. Ce qui compte, pour réussir, c’est la valeur que vous apportez à vos clients.
Voici quelques critères subjectifs pour estimer la pertinence de votre proposition de valeur :
- Votre proposition de valeur se concentre sur peu de bénéfices/problèmes, mais le fait de façon extrêmement efficace
- Se concentre sur des tâches/problèmes/bénéfices rencontrés par beaucoup de clients, OU pour lesquels un petit nombre de clients sont prêts à payer une somme importante (en gros : marché de masse ou marché de niche)
- Correspond à la façon dont vos clients mesurent leur succès — si votre proposition de valeur n’est pas quantifiable ou pas quantifiable de façon directe par vos clients, ça va pas être simple de la vendre !
- Se concentre sur les tâches les plus stratégiques, les problèmes les plus graves ou les bénéfices les plus significatifs
- Se différencie clairement de la concurrence (directe ou indirecte — voir ci-dessous)
- Se concentre à la fois sur des tâches fonctionnelles, sociales et émotionnelles
- Bat à plates coutures la concurrence sur au moins un aspect fondamental (qui apparait forcément dans les cartes clients/valeur !)
- Sont difficiles à copier — pour mettre une barrière aux nouveaux entrants. Ceci peut être formalisé dans la partie « ressources clés » du business model ci-dessous
- Se concentre sur des tâches/problèmes/bénéfices négligés par les autres prestataires
4/ Ajuster le « product market fit »
Pour chaque proposition de valeur, déterminez quelles solutions alternatives existent aujourd’hui pour résoudre ce problème chez votre client (même si ce n’est pas optimal). Par exemple, pour Eliot, les solutions alternatives sont :
- l’absence de contrôle (même si c’est risqué — voire parfois souhaité par certains organismes peu scrupuleux)
- le contrôle manuel (avec le coût salarial et organisationnel induit)
- la pression sur les pouvoirs publics pour déléguer le contrôle (même si le résultat est loin d’être garanti)
- des prestataires de contrôle externe
Vous identifierez alors votre concurrence directe et indirecte. Pour chaque, évaluez en quoi votre proposition de valeur apporte une valeur inédite par rapport à une solution actuelle. Évidemment, cela doit correspondre à une valeur attendue par vos clients !
Cette étape nécessite également de faire une large étude de la concurrence pour éviter de se retrouver frontalement face à des concurrents face auxquels vous ne saurez pas vous différencier. Vous pouvez vous aider du document ci-dessous.
5/ Construisez votre business model
On en a tellement dit et entendu sur le business model ! Voici le canvas de Strategizer, il est juste parfait et détaillé. Remplissez-le, puis estimez le plus précisément possible (« précisément » ça veut dire « avec des chiffres confrontés à la réalité ») chacune des cases.
C’est fait ? Vous l’avez rempli ? Bravo !
Il est facile ensuite de jongler avec les différents paramètres pour clarifier votre proposition de valeur. Par exemple, une bonne manière de pitcher vos projets est de suivre le modèle suivant :
Pour finir et pour l’anecdote, voici un projet pitché à titre personnel avec l’aide de 3 amis sur le thème de l’innovation agricole (c’est la saison du salon de l’agriculture !), pour lequel nous avons respecté ces 5 étapes cruciales.