Poussez la porte de la Comédie Nation. Là, dans ce théâtre de poche, prenez une heure et quelques pour vous évader dans le monde burlesque et un peu fou d'un certain Lewis Carroll. Attention il n'est pas question d'une sage pièce de théâtre mettant en scène les rêves bizarres d'une petite fille endormie au pied d'un arbre. A la croisée de la littérature, de la musique et des songes un peu fous, 5 musiciens réinterprètent le monde d'Alice à l'aune de leur propre inventivité.
Deux sopranos à la conquête du Pays des Merveilles
Une scie musicale, un accordéon et un piano... La compagnie Lemon Fracas a réuni pour son Alice des ingrédients inattendus et alléchants : Ravel, Poulenc, Bernstein, Debussy... mais aussi des compositeurs moins " classiques " comme William Bolcom et Kurt Weill. Le répertoire pioche à la fois dans la chanson francophone et anglophone, avec une variété de styles qui va de l'opéra pour enfants, L'Enfant et les sortilèges, aux chansons de cabaret en anglais. Le lien entre tout ça, ce sont les deux mezzo-sopranos Agathe de Courcy et Sarah Dupont d'Isigny. Si la première incarne Alice enfant durant presque toute la pièce, la seconde saute d'un rôle à l'autre, dont le mémorable chat du Cheshire. Les deux interprètes tirent ainsi le fil du spectacle par l'énergie de leur jeu, leur sens du burlesque et la présence forte de leurs voix. Dans la salle, une dizaine d'enfants suivent la pièce avec attention et rient comme seuls les enfants savent le faire.
Une Alice, des Alice
Quant à l'intrigue, le Grand (7 ans) m'a avoué à la fin, plutôt goguenard " J'ai bien aimé mais j'ai rien compris, on dirait qu'ils vont du passé à l'avenir ". En gros, c'est ça ! La pièce est construite sur des lettres de Carroll, celles notamment qu'il adresse des années plus tard à Alice Liddell Hargreaves, la petite fille qui a servi de modèle au personnage. Comme l'évoque le titre, Alice est multiple, entre la petite fille réelle, le personnage du roman et la femme adulte Mme Hargreaves. Même si le principe de base peut paraître un peu complexe, il est à la scène tout à fait clair, avec alternance entre la lecture des lettres et les scènes jouées et chantées par les interprètes. La différence est marquée simplement par la scénographie et est, comme j'ai pu le constater, compréhensible par les enfants. L'alternance est bien dosée, avec des passages épistolaires pas trop longs, tandis que le jeu des comédiennes fait le reste.Rires et plaisir : les coïncidences du texte et de la musique
Alice au pays des merveilles est un livre où tout est permis : chenille fumant le narguilé, " potions " et " gâteaux " qui changent la perception du monde, chat souriant ou chapelier fou... Ainsi sur scène la folie douce est cohérente, la liberté de l'adaptation une évidence. Et adultes comme enfants se délectent des trouvailles de la compagnie, avec des croisements parfaits entre le roman et la musique. Je pense par exemple à ce moment hilarant où les problèmes de calcul d'Alice trouvent écho dans " Les Mathématiques " (Ravel), encore un moment plébiscité par le Grand. On se laissera porter par la fantaisie, on appréciera l'adaptation et les références, dans tous les cas chacun y trouvera son plaisir, ce qui fait du spectacle un vrai moment à partager en famille.
D'une Alice à l'autre, par la compagnie Lemon Fracas, mise en scène de Sigrid Carré-Lecoindre - A partir de 6 ans.
Encore deux représentations à La Comédie Nation : le jeudi 2 mars à 20h30, et le dimanche 5 mars à 17h. Vous aurez la chance d'y croiser la directrice Pascaline Garnot, qui se fera un plaisir de réserver les premiers rangs aux enfants, c'est assez rare pour être signalé !
D'autres représentations sont à venir, on vous tient au courant !
Ce contenu a été publié dans SORTIES. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.