La Russie est en demi-finale de l’Euro 2008 et s’impose comme l’un des acteurs incontournables du football d’aujourd’hui et demain. Mais quelles mutations a subi le football russe des échecs du Spartak en C1 aux victoires du CSKA et du Zénith en C3 ?
17 millions de kilomètres carrés, 145 millions d’habitants et plus de 2 millions de licenciés de football, la Russie, comme ça, c’est un énorme bordel arrosé de vodka plus ou moins frelaté. Et ça l’est certainement dans ses structures amateurs. Au niveau professionnel, le championnat russe s’est organisé pour palier aux exigences du siècle à commencer par son nom : la Première Ligue.
Des 23 Russes présents à l’Euro seul Ivan Saenko ne joue pas au pays (Nuremberg). Et encore ses six sélections avant le début de la compétition n’en font pas un cadre du groupe, n’étant titulaire que contre les Pays-Bas (3-1 a.p), entrant en jeu contre la Grèce (1-0) et la Suède (2-0).
Ce n’est donc pas comme si le succès russe était imputable aux progrès réalisés par des joueurs évoluant à l’étranger. La seule raison étrangère au succès russe du moment est de se demander à quel point Guus Hddink est un génie ?
Un championnat à 16
Comme dans chaque composante de cet immense pays, il y a un avant et un après 1991. Jusqu’en 2001, la très austère Division Supérieure pataugeait comme elle pouvait. Après tout, en 1992, la Russie retrouvait un championnat apaisé, mais amputé du Dinamo Kiev, du Dinamo Tbilissi, du Dinamo Minsk, de l’Arat Erevan… Autant de champions d’URSS. Le club Ukrainien ayant même remporté 13 titres de champion à l’époque. Dans les années 1990, le Spartak Moscou conforte une espèce de monopôle d’État en remportant tous les titres jusqu’en 2001 à l’exception de 1995 où l’Alania Vladikavkaz a vu de la lumière…
À cela il faut ajouter la contrainte climatique qui oblige la compétition à se dérouler de la mi-mars à la mi-novembre. Pour briller dans les compétitions européennes au mois de décembre et à partir de février, ce n’est pas terrible. D’ailleurs, le Zénith St-Pétersbourg, principal pourvoyeur de la sélection russe (6 joueurs) a obtenu le report de ses matches de championnat durant l’Euro.
En 2002, l’état permet aux clubs de se doter d’une autonomie financière plus large en plus du coup de peinture sur l’institution devenant Première Ligue.
Les clubs peuvent désormais être racheté par des entreprises et recruter davantage de joueurs étrangers. C’est à partir de là que le Lokomotiv Moscou, le CSKA Moscou et le Zénith St-Pétersbourg ont pris leur envol rompant les lignes et mettant à mal une hiérarchie établie et forcément ennuyeuse. Il n’y a qu’à voir en France…
Sur les six premières journées de cette saison, la moyenne est de 1,78 but par match, ce qui classe le championnat russe comme très défensif. Ou du moins où l’on marque peu comparé à la Ligue 1 et ces 2,21 buts par match.
Les nouvelles stars :
- Le Lokomotiv Moscou
C’était un peu le Poulidor du football russe. Souvent placé, rarement gagnant, le MFK Lokomotiv fut le premier champion de Russie de la nouvelle Ère (2002) et a remis ça en 2004. C’est un club qui a en premier fait comprendre au pays qu’il était possible de faire un parcours honnête en Coupe d’Europe sortant d’un groupe composé d’Arsenal, de l’Inter et du Dinamo Kiev lors de la ligue des Champions 2003-2004 se faisant sortir par une équipe de Monaco en route pour la finale de Gelsenkirchen. L’ancien gardien de la Roma, Ivan Pelizzoli y fini sa carrière depuis 2007.
- Le FK CSKA Moscou
C’est le club de l’armée historiquement. Le CSKA est en fait un club omnisport qui a les faveurs de Vladimir Poutin. Soucieux du temps de sa présidence de donner en toute discrétion à ses soldats des motifs de se satisfaire de leurs représentants sportifs, il permet, en 2004, à son ami Roman Abramovitch de devenir sponsor du club via sa société Sibneft. L’unes des principales compagnies pétrolières du pays. 45 millions d’euros sur trois ans et six brésiliens dans l’effectif plus tard, le club pensionnaire du stade Dinamo est le premier de Russie à remporter la Coupe UEFA, c’était en 2005. Le club était alors reversé de Ligue des Champions finissant troisième de son groupe. L’autorité d’Abramovitch est néanmoins officiellement limitée selon les règles de l’UEFA qui empêche tout propriétaire d’un club d’en posséder un second. Cela n’avait pas empêché Chelsea et le CSKA Moscou de se retrouver dans le même groupe de ligue des Champions lors de cette saison 2004-2005 avec le FC Porto et le PSG. Une enquête fut tout de même menée par l’UEFA qui, bien sûr, a blanchi le milliardaire russe. L’année suivante, Abramovitch vend ses parts dans Sibneft à Gazprom qui devient donc le nouveau proprio du club, mais là aussi il y a un hic.
- Le Zénith St-Pétersbourg
Le club de nouveaux riches par excellence, c’est le plus riche du pays d’ailleurs avec son propriétaire Gazprom. Et ça n’a pas l’air de poser problème plus que ça de voir Gazprom propriétaire de deux clubs du même championnat (avec le CSKA Moscou comme vu précédemment).
Avant sa prise de contrôle par la troisième capitalisation boursière du monde, le Zénith végétait dans le ventre mou du championnat avec des pointes comme une troisième place en 2001, une finale de Coupe de Russie en 2002. Club, devenant finalement d’avenir, Gazprom se jette dessus et compte s’offrir de la sorte une fenêtre sur l’Europe occidentale. Le vieux stade Petrovsky va être mis à la poubelle d’ici 2009, un centre de formation va voir le jour. Dick Advocaat arrive pour entraîner l’équipe s’offre cette année un parcours mémorable en Coupe UEFA, éliminant Villareal, l’OM, le Bayer Leverkusen et le Bayern Munich avant se s’offrir le scalpe des Glasgow Rangers et la Coupe. C’est dans cette équipe (championne en 2007) que l’on trouve Alexander Anyukov, Roman Chirokov (qu’on a plus vu depuis la défaite contre l’Espagne), Konstantin Zyryanov et Andrei Arshavin. N’allez pas croire que son équipe type est composé de 11 russes. De ceux qui ont débuté la finale contre les Rangers à Manchester (2-0), il y avait un croate (Ivica Krizanac), un tchèque (Radek Sirl), un ukrainien (Anatoliy Tymoschuk) et un turc (Fatih Tekke), le coréen Kim Dong-Jin entrant en jeu en toute fin de match.
Une marge financière énorme
Il ne fait aucun doute que l’on ne se passionnera jamais, de nos canapés français, pour un match Saturn Moscou Region - Rubin Kazan (où évoluent et Sergey Semak et Savo Molisevic pour ceux qui les cherchaient). Mais la réciproque est valable pour un Lorient – Le Mans.
En Russie, le football de club se développe à fond la caisse tant les investissements sont énormes de la part de groupes pétroliers et gaziers qui ne sont pas à un rachat de club près en ce moment pour se donner de la visibilité. C’est un championnat où l’on trouve des transferts à plusieurs millions d’euros et où Wagner Love (plus de 20 sélections avec le Brésil) se sent très bien au CSKA depuis 2004 malgré des offres du FC Séville, de Man City, de la Fiorentina, Marseille, Fenerbahçe et Chelsea. Son club le libère pour une somme entre 12 et 15 millions d’euros. Les équipes s’habillent chez la virgule et les stades commencent à se remplir avec une moyenne de 13 500 spectateurs lors de la saison 2007, de 11 800 en 2006 et 12 000 en 2005. Le Spartak Moscou accueille 24 000 spectateurs en moyenne au stade Luzhniki (qui peut en contenir 84 000). C’est dire la marge de progression. On apprend lundi soir que Jan Koller part finir sa carrière au club de Samara. Le géant tchèque est apparemment gêné par l’idée d’évoluer en Bundesliga 2 où son club de Nuremberg descend. Le transfert s’élève à un million d’euros ; pour un joueur de 35 ans…