Blanc, l’autocollant. Blanc.
Rond, avec une petite lèvre à son extrémité. Une languette, à soulever, c’est indiqué par une flèche imprimée en jaune. La petite flèche pour dire : « Glisse ton ongle ici pour soulever l’autocollant. » Alors, on glisse un ongle, on soulève, on tire sur le film plastique qui s’enroule entre les doigts, poisseux et gras.
L’adhésif, lui, reste collé sur la peau de la pomme.
On nettoie à grande eau, on essuie. L’adhésif reste là, petite trace circulaire qui s’accroche au passage de la main.
L’eau ne suffit pas.
Alors, que faire ? Essayer le savon ? Le produit à vaisselle ? Ou passer directement au dissolvant pour vernis à ongles ? Mais ensuite, comment on le nettoie le dissolvant, hein ? Comment ? On veut pas en manger du dissolvant, ni en boire non plus d’ailleurs. Non, on veut juste manger une pomme. Jaune. Une Golden. Pas besoin d’autocollant, on sait ce que c’est, une pomme, depuis le jardin premier : c’est plus ou moins rond, plus ou moins dur, ça va du jaune au vert profond, sous la peau il y a de la chair et au milieu, les pépins.
On parle bien ici de l’objet physique, pas de sa représentation, un tableau qui dirait : « Ceci n’est pas une pomme. » Parce que ceci n’est pas un musée : pour acheter le fruit, nous nous sommes rendus au marché, à la supérette ou au supermarché. Là, sur leur étal, les pommes étaient déjà classées par variétés, couleurs, et indication du prix au kilo. On a pris le temps de lire, de faire un tri et de choisir un petit panier de Golden à cause du goût et des taches de rousseur.
Maintenant, sur chaque Golden, il y a un autocollant pour dire que la Golden est une Golden. Vu du domaine du langage, on pourrait dire qu’il s’agit d’un simple pléonasme. Mais transplanté sur les terres maraîchères, cet autocollant indélébile et toxique est juste l’une des formes les plus abouties de l’extension du domaine de la bêtise humaine depuis que l’Homme s’est mis en tête de planter le premier pommier.