Quand on ne mange pas de viande, on nous objecte assez systématiquement que les carottes souffrent peut-être autant que la vache au moment de la mise à mort. Cela a beau être un troll, je vais aborder le sujet.
D'une façon générale, on attribue facilement l'idée d'une souffrance possible à tout ce que l'on décrit comme « vivant ».
En voyant se débattre et fuir un mammifère face à une douleur, il nous est facile de comparer nos propres comportements et imaginer qu'il ressent comme nous. La science l'a même démontré. Mais lorsque l'élément « vivant » est très éloigné de nous, cette notion peut vite devenir abstraite. Si un insecte se débat lors d'une attaque, est-ce une douleur ou un réflexe ? Une éponge est un animal, mais elle n'a pas de système nerveux, seulement des connexions nerveuses non centralisées. Souffrent-elles ? Un muscle fraîchement découpé qui se contracte en l'électrocutant souffre-t-il ?
La définition même de la souffrance, souvent associée à l'idée d'une conscience minimale est mise à mal. Car l'idée de souffrance est inventée selon des critères observés avant toute chose chez l'homme, et nous tentons de les transposer à d'autres être vivants.
Sur l'arbre des espèces, les champignons sont plus proches des hommes que des végétaux. Sont-ils plus à même de ressentir la souffrance que les légumes ?
Et puis il y a la notion de vie elle-même qui est très controversée. Si un dictionnaire en donne une, il faut savoir qu'il n'existe pas de consensus scientifique pour définir la vie. Certains fixent une limite aux organismes possédant de l'ADN. Certains s'attachent à des notions d'environnement (reproduction, se nourrir et produire des déchets). Et on arrive même à parler d'astres qui seraient vivants (la Terre est vivante, Mars ne l'est pas).
Je pense qu'il peut exister des choses plus ou moins souhaitables à un homme, une vache, une huître, un poulpe, un champignon, un végétal, son fruit, une planète, un simple caillou, une chaise et bientôt un robot intelligent. Mais tenter de transposer la notion très humaine de souffrance à d'autres objets « techniquement différents » devient un exercice délicat.
Pour ma part, je m'attache à l'idée que les vertébrés ainsi que quelques autres animaux (pieuvres) souffrent car on l'a objectivé, et que ces animaux ont un fonctionnement suffisamment comparable à l'homme pour pouvoir y transposer notre propre douleur.
Pour ce qui est des végétaux, on part de très loin, et les signaux que l'on observe en coupant des carottes peuvent avoir de nombreuses autres significations, qu'il nous est impossible de distinguer entre la douleur ou, même, le plaisir !