Dans les statuts de l'Internationale. Marx avait inscrit
Autre livre de Garaudy sur le marxisme
A acheter ici
Marx soulignait trois aspects essentiels de cette démocratie bourgeoise. 1. Cette émancipation politique avec toutes les illusions qu'engendre son abstraction a un caractère de classe ; elle exprime les exigences profondes du développement de l'économie capitaliste et de la société bourgeoise;
Même que ci-dessus en Poche
à acheter ici
L'Etat, sous toutes ses formes, est un Etat de classe. Il est le produit de la lutte des classes. Il est l’instrument d'exploitation de la classe opprimée. Son pouvoir est d'autant plus répressif que la lutte des classes s'aiguise. Il est toujours la forme de dictature d'une classe. Il découle de là que le pouvoir de la classe ouvrière doit nécessairement prendre la forme d'une dictature du prolétariat C'est une thèse constante chez Marx. Déjà lorsqu'il définissait son apport propre à l'élaboration de la théorie de la lutte des classes, Marx rappelait que cette théorie avait été formulée par les historiens français de la Restauration et que son apport propre consistait essentiellement à montrer « que la lutte des classes conduit nécessairement à la dictature du prolétariat.»
Marx reprend constamment cette idée. Dans un article de 1873, il écrit : « Lorsque la lutte politique de la classe ouvrière prend une forme révolutionnaire, lorsque à la dictature de la bourgeoisie, les ouvriers substituent leur propre dictature révolutionnaire pour briser la résistance de la bourgeoisie, ils donnent à l'Etat une forme révolutionnaire et transitoire au lieu de déposer les armes et d'abolir l'Etat. » Dans sa Critique du programme de Gotha, Marx dit avec une parfaite netteté : « entre la société capitaliste et la société communiste se place la période de transformation révolutionnaire de celle-là en celle-ci, à quoi correspond une période de transition politique où l'Etat ne saurait être autre chose que la dictature révolutionnaire du prolétariat. » Déjà dans le Manifeste communiste, Marx après avoir dégagé de sa grande synthèse historique la définition de l'Etat comme organe de la domination de classe, montrait que le prolétariat ne pouvait venir à bout de la bourgeoisie sans d'abord s'emparer du pouvoir politique et sans transformer l'Etat « en forme d'organisation du prolétariat devenu classe dominante. » Cette dictature du prolétariat est toujours une forme de la domination de classe mais elle a ce caractère particulier qu'elle est transitoire.
La dictature du prolétariat a pour objet comme le montrait déjà Marx dans Misère de la philosophie, de mettre fin aux antagonismes de classe et, par conséquent, de rendre inutile l'Etat lui-même. Mettre fin aux antagonismes de classe qui engendrent l'aliénation de l'Etat c'est préparer les conditions du dépassement de l'Etat lui-même. L'Etat n'est pas éternel. Il n'existait pas dans les sociétés primitives, avant la naissance des classes. Il disparaîtra avec la disparition des classes puisqu'il n'avait d'autre objet que d'assurer une domination de classe. Il n'est d'ailleurs pas exclu que le passage de la dictature bourgeoise à la dictature du prolétariat s'opère pacifiquement. Marx avait envisagé explicitement cette possibilité du passage scientifique au socialisme dans son discours d'Amsterdam du 8 septembre 1872. Après le Congrès de l'Internationale à La Haye, où il avait vigoureusement combattu Bakounine et les leaders opportunistes des trade-unions britanniques, Marx prononça à
Amsterdam, à l'occasion de la clôture du Congrès, un discours où rappelant que la conquêtedu pouvoir par le prolétariat était la condition nécessaire du passage au socialisme, il déclarait : « Mais nous n'avons point prétendu que pour arriver à ce but les moyens fussent identiques. Nous savons la part qu'il faut faire aux institutions, aux moeurs et aux traditions des différents pays ; et nous ne nions pas qu'il existe des pays comme l'Amérique, l'Angleterre, et, si je connaissais mieux vos institutions, j'ajouterais la Hollande, où les travailleurs peuvent arriver à leur but par des moyens pacifiques. » Engels dans la Critique du programme d'Erfurt,en 1891, ne fera que commenter cette idée de Marx lorsqu'il écrira : « L'on peut concevoir que la vieille société pourra évoluer pacifiquement vers la nouvelle, dans les pays où la représentation populaire concentre en elle tout le pouvoir, où, selon la Constitution, on peut faire ce qu'on veut, du moment qu'on a derrière soi la majorité de la nation ; dans les Républiques démocratiques comme la France et l'Amérique, dans des monarchies comme l'Angleterre, où le rachât imminent de la dynastie est débattu tous les jours dans la presse, et où cette dynastie est impuissante contre la volonté du peuple. Mais en Allemagne, où le gouvernement est presque tout-puissant, où le Reichstag et les autres corps représentatifs sont sans pouvoir effectif, proclamer de telles choses en Allemagne, et encore sans nécessité, c'est enlever sa feuille de vigne à l'absolutisme et en couvrir la nudité par son propre corps ». Mais quelle que soit la forme de ce passage, pacifique ou violente, elle ne consistera pas en un simple changement du personnel de l'Etat. La machine d'Etat doit être brisée, alors que jusque-là « tous les changements avaient abouti à perfectionner cette machine au lieu de la briser. » L'expérience de la Commune de Paris apporta à Marx les éléments d'une conception concrète de la dictature du prolétariat. Marx lui-même a souligné dans sa préface du 24 juin 1872 du Manifeste Communiste que cette expérience avait rendu caducs certains, passages du Manifeste, « en particulier la Commune a prouvé que la classe ouvrière ne peut pas simplement s'emparer de la machine d'Etat toute faite et la faire fonctionner à son profit. » Dans sa lettre à Kugelman du 12 avril 1871, Marx soulignera la continuité de sa pensée entre la thèse développée dans Le 18 Brumaire et sa vérification expérimentale dans la Commune de Paris. Dans la Guerre civile en France, Marx souligne cette originalité radicale de la Commune qui n'était pas une république destinée seulement à supprimer la forme monarchique de la domination de classe mais la domination de classe elle-même. En mettant fin à l'aliénation du pouvoir exécutif par rapport à la représentation nationale et du Parlement par rapport aux travailleurs et à la nation, elle réalisait sous une forme originale, la démocratie la plus authentique, non pas une démocratie pour les privilégiés, comme la démocratie antique des Athéniens, qui n'était démocratique que pour les propriétaires d'esclaves, ou comme les démocraties bourgeoises ou seuls les privilèges d'argent permettent l'exercice de la démocratie pour les possédants. Mettant fin à l'aliénation de l'Etat comme organisme dominant de la société, la dictature du prolétariat est déjà, avant même l'extinction de l'Etat, la forme la plus authentique de la démocratie : « la liberté, écrivait Marx, consiste à transformer l'Etat, organisme qui est mis au-dessus de la société, en un organisme entièrement subordonné à elle. »
Roger Garaudy, Karl Marx, pages 278 à 284 >> A SUIVRE >>