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Banquier véreux, trader trop téméraire ou encore dirigeant peu scrupuleux ? Il est très facile de tomber du mauvais côté de l’éthique dans le monde des affaires. Mais cette chute ne s’apparente tout de même pas à une dégringolade. Qu’il s’agisse de contourner les sanctions judiciaires ou bien de reconstruire sa vie enfermé entre quatre murs, tout en assurant son avenir financier, il existe de nombreuses manières de limiter les dégâts et de sortir de l’impasse.
Des transgressions coûteuses
Le concept du « White Collar Crime » est théorisé en 1939 par Sutherland comme étant l’activité illégale, déployée par des personnes respectables et de classe sociale élevée, en relation avec leurs occupations professionnelles. Un des domaines les plus courants où le phénomène se fait récurrent est celui de la finance. Le coût financier de la criminalité en col blanc est d’ailleurs supérieur au coût financier de tous les autres crimes et délits.
Pourtant, pas besoin de se trouver dans les hautes sphères de la finance pour faire abus de son pouvoir. Être à la tête d’une petite commune suffit amplement et permet tout de même d’accumuler des sommes importantes. Le montant des pots-de-vin dans le monde chaque année culmine à 1000 milliards de dollars. On ne compte d’ailleurs plus le nombre d’affaires politico-financières : Karachi, Carlton de Lille, Woerth, Sarkozy, Cahuzac, Bygmalion,Tapie, ou encore Thévenoud… Plutôt pas mal pour le 26ème pays le moins corrompu au monde !
De même, ces actions se trouvent également dans un secteur où l’éthique devrait pourtant régner : celui des associations caritatives. Là aussi, les dirigeants usent et abusent de leur position privilégiée pour s’adonner à la pratique de détournement de fonds. Scandales à Amnesty International, promesses non respectées par Médecins sans Frontières, et détournement d’au moins 488 millions de dollars par la Croix Rouge… la liste s’agrandit à mesure que la détresse mondiale s’amplifie.
Des mains sales mais un casier judiciaire vierge
Si les affaires de criminalité financière défraient souvent la chronique, les sanctions ne se font que rarement entendre. Seulement 2% des condamnations judiciaires relèvent de cette forme de criminalité. Même si depuis la crise de 2008 les juges sont devenus plus sévères envers ces crimes, la fraude se poursuit au sein du système judiciaire : par de multiples tours de passe-passe, ce sont chaque année 68% des délits de criminalité en col blanc qui restent impunis.
Délinquance moins grave ? Justice difficile à rendre ou simple intérêt économique ? Quoiqu’il en soit, les crimes en col blanc sont profitables non seulement dans l’ombre mais aussi sous les feux des projecteurs. Les avocats spécialisés dans ce domaine s’en frottent d’ailleurs les mains : en moyenne de telles procédures judiciaires ne sont que réellement classées au bout de trois ans à partir du dépôt de la première plainte et nécessitent de multiples consultations. Raison de plus pour eux de pratiquer des honoraires trois fois plus élevés que la moyenne.
Pourquoi si peu d’emprisonnement ? Tout d’abord car enfermer ces ex-stars de la finance a un coût élevé. En moyenne les détenus en col blanc coûtent 600 euros par jour, soit 6 fois plus qu’un prisonnier lambda. A l’instar de la prison islandaise Kviabryggja qui accueille les banquiers déchus de l’île. Même là-bas ils ont le droit à un traitement de première classe : chambre privatisée, télévision, liberté de mouvement, repas à la carte… La qualité pénitentiaire est donc bien supérieure à la moyenne, la raison derrière tout cela vient du fait que ces détenus ne posent pas de problème de sécurité majeur et ne sont pas considérés, ni par les juges, ni par le peuple, comme dangereux.
Que font les détenus de leurs journées ?
Même en prison, ces condamnés ne sont pas affranchis du devoir de surprendre ni du besoin d’être admiré. Et quoi de mieux pour garder la face que de ne rien changer à ses habitudes ? Si désormais Bernard Madoff est immatriculé au registre des criminels de la prison de Butner en Caroline du Nord, cela ne l’empêche pas de continuer de faire ce qu’il a toujours su faire. Pour cela, plus besoin de se plonger dans les sphères complexes de la finance globalisée. Avec les moyens du bord, Bernie a réussi à s’emparer du monopole du chocolat chaud. En faisant main basse sur la totalité des provisions en chocolat de la prison, il est parvenu avec aise à soudoyer ses codétenus. De cette manière il ne faillit pas à sa réputation et même si les prisonniers doivent payer la taxe Madoff cela ne l’empêche pas de récolter les louanges de ses camarades de cellule, qui continuent de le consulter en matière de placements financiers.
Si en revanche certains détenus se sentent « trahis par le système », « boucs émissaires », ou ne reconnaissent simplement pas la justice qui les a placés au fond du trou, ils peuvent tout de même trouver un moyen de monétiser leur colère, leur conscience, ainsi que leurs témoignages. Rien de plus attrayant en effet pour les éditeurs que de publier les confessions, et ainsi faire un pied de nez à tous les autres médias. La mise en scène de Jérôme Kerviel depuis l’annonce de sa première condamnation nous le montre. Après les accusations et les lamentations, vient la médiatisation de sa personne (témoignage, mémoires…). Mise en scène qui lui aura rapporté plus de 40000 euros rien que pour l’adaptation de son livre.
Faire part de son histoire, c’est donc pour ces détenus prendre leur propre destin en main ; et pour eux peut-être aussi d’apaiser leur conscience, tout en donnant un nouveau souffle à leur porte-monnaie.
Si certains crient à l’indignation du trop bon traitement accordé à ces criminels, il reste préférable de savoir ces détenus écrivains d’un jour ou dealers de nourriture, plutôt qu’à la tête d’un cartel de drogue ou encore d’un réseau de prostitution. Mais là encore, tout reste une question de point de vue.