Lire c'est penser, prier, parler à un ami, l'écouter se confesser, exprimer ses idées, forger les siennes, écouter de la musique, suivre un rythme, vivre des moeurs adverses ou nouvelles, découvrir de nouveaux angles. Lire c'est marcher sur une plage de la vie en s'ouvrant sur le monde et les gens qui le compose. Lire c'est apprendre la vie par les yeux, par la tête et par le coeur, Lire c'est la vie des autres et la sienne aussi.
Chaque mois, vers la fin, je vous entretiens sur un livre dont le contenu m'a bouleversé et que je juge digne d'intérêt. J'essaie de vous dire pourquoi, pour moi.
Je ne connais pas l'ennui car j'ai toujours un livre en main, Parfois, j'en lis plusieurs de fronts. C'est aussi un peu mon métier. Lire.
C'est aussi beaucoup respirer.
OCEAN MER d' ALESSANDRO BARICCO
1993.
Ancien rédacteur dans une agence de publicité. journaliste, critique de magazines, présentateur à la télévision du RAI sur l'art lyrique et la littérature et ancien collaborateur du journal La Repubblica, mais aussi auteur d'un premier livre à succès deux ans plus tôt, l'écrivain mélomane Alessandro Baricco offre, un an après la première rencontre avec mon amoureuse, son second roman.
Fervent passionné de la mer, j'allais y trouver mon pied.
La pension Almayer est sous un ciel étrange, nulle part au-dessus de la pension, de ceux qui courent vite, pressés d'être à la maison. Elle accueille 7 personnages aux profils de naufragés de la vie. Une jeune fille de 16 ans, trop fragile pour vivre et trop vivante pour mourir. Un homme d'église, mauvais docteur et composeur de prières, qui ne dit jamais les bonnes choses car quelque chose lui vient toujours à l'esprit avant. Un peintre qui cherche les yeux de la mer et son début. et qui est incapable de phrases de plus de 8 mots. Un professeur auteur d'une encyclopédie sur les limites de la nature et de l'Homme. Une femme qui veut se guérir de l'adultère. Un docteur, survivant d'un naufrage en radeau. Une petite fille de 10 ans, teneuse du registre de la pension, fort perspicace et intelligente pour son âge.
Ils sont tous à la pension pour se guérir de maux par la mer. Ils ont tous une folie ou une histoire qui les relient les uns aux autres. Ils y sont tous pour prendre congé de soi-même. Renaître. Ils sont à la pension, cet endroit qui existe à peine.
La splendide traduction de Françoise Brun nous arrive en 1998.
Si il y a, dans le monde, un endroit où tu peux penser que tu n'es rien, c'est cet endroit, c'est ici. Ce n'est plus la terre, et ce n'est pas encore la mer. C'est pas un vie fausse, et ce n'est pas un vie vraie. C'est du temps, Du temps qui passe. Rien d'autre.
Le livre est structuré en trois parties:
-Pension Almayer: qui nous présente tout ce beau monde.
-Le ventre de la mer: narré par le docteur naufragé, et inspiré du réel naufrage de La Méduse en 1816 et du scandale qui s'en était suivi.
-Les chants du retour: épilogue sur chacun d'eux.
Tragédie humaine, à force d'humanité. on y trouve aussi une large part d'humour. Le style dense et poétique de Baricco, nerveux, linéaire, donne de la mer un visage souverain, qui transcende les Hommes. Et les révèle. D'une grande originalité, d'une folie certaine et assumée, la narration épouse à la fois le tragique, le lyrique et le drôlissime.
Le style formidable de Baricco n'est jamais une fantaisie vaine.
C'est une musique extraordinaire.
J'ai 8 de ses 17 écrits publiés et traduits en français.
Ocean Mer en était le premier coup de foudre.