Partager la publication "[Critique] TRAINSPOTTING"
Titre original : Trainspotting
Note:
Origine : Royaume-Uni
Réalisateur : Danny Boyle
Distribution : Ewan McGregor, Ewen Bremner, Jonny Lee Miller, Robert Carlyle, Kevin McKidd, Kelly Macdonald, Peter Mullan, James Cosmo, Eileen Nicholas, Susan Vidler, Pauline Lynch, Shirley Henderson, Irvine Welsh, Keith Allen, Kevin Allen…
Genre : Drame/Comédie/Adaptation
Date de sortie : 19 juin 1996
Le Pitch :
Dans la ville d’Edimbourg, une bande de jeunes marginaux, Renton, Sick Boy, Spud, Begbie et Tommy glandent et se réfugient dans les addictions et commettent des petits délits pour se payer leur drogue. Un jour, Renton décide (d’essayer) de décrocher…
La Critique de Trainspotting :
Après un premier effort acclamé par la critique, Petits Meurtres Entre Amis, Danny Boyle décida d’adapter Trainspotting, le premier roman très remarqué d’Irvine Welsh. Un livre multipliant les points de vue, très trash et donc plutôt difficile à porter à l’écran. Premier volet d’une trilogie (la suite, Porno, sortira en 2002, et le prequel, Skagboys, en 2012), Trainspotting devint un véritable phénomène de librairie. Mais ce n’est rien comparé au long-métrage…
Idée fix
Un film comme Trainspotting serait quasi impossible à faire aujourd’hui. Adulé par la génération X, à une époque charnière où les ravages de la drogue étaient médiatisés, il est aussi le fruit d’une époque où le septième-art jouissait d’une certaine liberté. Avec ce film, Welsh et Boyle se permettent un humour qui n’a pas peur de défoncer la ligne jaune en mettant en scène des situations qui feraient hurler à l’heure actuelle. Du monologue d’introduction à la scène du plongeon dans les toilettes, les scènes cultes sont nombreuses. La B.O. participant également au carton de cette œuvre furieusement furieusement rock n’ roll tout aussi bien au niveau de la forme qu’au niveau du fond. Suivant l’évolution des personnages à travers les années 80 et 90, la musique se met au diapason. Des grands noms se succèdent comme Iggy Pop, Brian Eno, New Order, Blur, Lou Reed ou encore Pulp.
Mais ce qui fédère dans Trainspotting, c’est le parti-pris au niveau du rapport à la drogue. Alors que le recours aux paradis artificiels bus, fumés, sniffés ou injectés débouche souvent sur des drames poussés, dans lesquels des personnages dérivent jusqu’à causer leur perte, ici ce n’est pas le cas. Car le récit, si il montre le côté destructeur de la came, ne se prive pas pour aussi s’attarder sur le plaisir qu’elle procure aux protagonistes, augurant en cela le genre des stoner movies, ces films de défonce (qui sont souvent des comédies d’ailleurs). Plusieurs éléments seront repris plus tard dans des longs-métrages comme l’excellent (mais moins bon) Human Traffic, qui porte sur les substances prisées par les clubbers. Les effets secondaires de la drogue sont retranscrits de manière à ce que les spectateurs les ressentent (en partie), avec des scènes d’hallucinations ou de bad trips (la séquence du sevrage est flippante). Ce procédé sera utilisé de manière beaucoup plus poussée par Terry Gilliam dans la géniale adaptation de Las Vegas Parano, d’Hunter S. Thompson (un des auteurs qui a inspiré de Welsh).
Des personnages stupéfiants
Cette approche appelle un montage nerveux et une réalisation audacieuse riche en trouvailles visuelles, qu’on retrouve par la suite dans plusieurs œuvres du cinéaste, comme 127 Heures. Une mise en scène et une narration qui mettent en avant des personnages haut en couleur. Entre une version moderne des Freak Brothers et des Pieds Nickelés complètement barrés et dopés à toutes sortes de substances, on retrouve un héros un brin lâche, un obsédé de James Bond dragueur et escroc (fait amusant, l’acteur qui le joue est le petit-fils de celui qui a incarné M, chef des services secrets dans une dizaine de films de la saga des 007), un gentil débile tout à fait docile, un psychopathe violent accroc à la baston (comme dit Renton, il « se défonce aux gens »)… Le tout campé par de jeunes acteurs brillants comme Ewen Bremmer (qui a joué également dans l’adaptation de Trainspotting au théâtre, sortie deux ans avant la version ciné), Robert Carlyle (habité comme jamais), et surtout Ewan McGregor qui va d’ailleurs exploser grâce à ce rôle. Même s’il ne porte pas entièrement le film sur ses épaules (fruit d’une performance collective des deux côtés de la caméra), il livre ici une performance énorme qui communique une riche palette d’émotions. Des comédiens qui incarnent le propos sociologique que Danny Boyle s’efforce d’illustrer en filigrane, en plongeant dans les bas-fonds d’Edimbourg. Une ville qui renvoie à une certaine détresse sociale dont le film se fait le relais. Derrière les séquences cultes, les rires et plus globalement la frénésie des événements, Trainspotting se pose comme l’un des grands films sur les années 90. La fin du millénaire approche et ces personnages, méchamment en manque de repères, élevés dans les tumultueuses années 80, se font les relais d’autant de questionnements qui vont bien au-delà du simple postulat. Il est aussi là le vrai tour de force de Trainspotting.
En Bref…
Avec Trainspotting, Danny Boyle livre une véritable bombe, un classique instantané. Audacieux, borderline, osé, inventif, le film appelle une longue liste d’adjectifs pour le définir. De la B.O. aux personnages, des dialogues à certaines scènes, Trainspotting est un film culte pour de multiples raisons. Intense (bien qu’il ne pourra pas être aussi dur que le bouquin), il ne laisse ni indifférent ni indemne. Un véritable fix d’adrénaline !
@ Nicolas Cambon