Mais parfois, oui.
Les films et la société Étatsunienne forment deux clans bien distincts et fonctionnent à différentes vitesses. Se retransformant année après année, s'absorbant l'un et l'autre à l'occasion,
All The President's Men avait saisi la frénésie autour du scandale du Watergate en 1976.
Si 5 mois après l'assassinat de JFK, on honorait un film se déroulant au 18ème siècle, avec un inspirant jeune blond en pleine ascencion, 6 mois après le 11 septembre 2001, on célébrait quelqu'un qui solutionnait des équations en combattant la schizophrénie. Ce qui reflétait pratiquement l'approche de l'équipe de Bush face à la réponse à offrir aux terroristes qui avaient frappé. Quand Slumdog Millionaire a remporté tous les honneurs en 2009, l'écho d'un grand party de danse mondial ne sonnait pas faux du tout avec le premier président noir de l'histoire du pays, un tout petit mois après qu'il eût prêté serment. Les années 70 ont été cicatrisées par les vétérans du Vietnam et les films The Deer Hunter et Coming Home ont à la fois été récompensés des plus importants prix, mais ont aussi été reconnu du public comme un miroir important reflétant qui ils étaient.
Tous mes exemples suivent un choc social survenu aux États-Unis peu de temps auparavant: le Watergate, l'assassinat de Kennedy, les attaques du 11 septembre 2001, l'arrivée du premier président noir, le retour des combattants du Vietnam et le constat amer de la défaite Étatsunienne dans son implication. Chaque fois, ces importants films ont forcé les habitants et cinéphiles des États-Unis à se poser la question sur qui ils sont vraiment, sur la direction que prend leur pays et sur ce qu'ils avaient à en dire.
Cette année entre dans ce moule. Le choc a été absolu. Le traumatisme, encore vif. Si la question "Comment l'élection de Donald Trump affectera la soirée des Oscars?" n'a surement pas été la chose au sommet des agendas pour les gens, elle le fût surement pour les producteurs de la soirée de la remise des prix. Et ce, dès le 9 novembre 2016.
Si la culture doit refléter qui sont les États-Unis, et bien qui sont-ils? Est-ce que les films seraient une fenêtre au travers desquelles les gens se voient et se reconnaissent?
Ou n'est-ce qu'un écran de téléphone intelligent, n'offrant que selfie de surface ou une bulle individuelle?
Toujours crevable.
Dans Loving de Jeff Nichols, on suit l'histoire vraie de Richard Perry Loving et Mildred Jeter qui avaient dû lutter difficilement contre la loi, mais encore plus contre les préjugés, lui, blanc, elle, noire, tous deux amoureux et mariés. L'État de la Virginie interdisait le mariage interacial il y a 50 ans et le couple allait briser cette loi, à coup d'amour. Le recul que la gang à Trump offre en ce moment est d'à peu près 50 ans. Les présences de Denzel Washington pour Fences et Viola Davis pour Hidden Figures, montrent aussi que le politically correct, (après le fiasco #OscarSoWhite des deux dernières années) n'est pas près de disparaître à Hollywood.
Une autre communauté marginalisée est représentée dans Manchester By The Sea. Ken Lonnergan offre le deuil et la compassion dans un petit village de Nouvelle-Angleterre. Son personnage principal est un concierge qui a le vague-à-l'âme et dont tout le monde connait l'histoire. Quand son frère meurt, il devient le tuteur légal du grand fils de 16 ans de celui-ci, et devra probablement déménager. Les personnages de Lonnergan sont exactement les gens de la classe ouvrière cités à tort et à travers lors de la dernière élection Étatsunienne. Si les voteurs de l'Académie se considèrent une élite déconnectée des réalités du peuple, peut-être choisiront-ils cette plongée dans le monde tout ce qu'il y a de plus modeste et ordinaire.
Le film Lion nous rappelle encore que le globalisme n'est pas mort. Et que Google et le net sont de très très importants vecteurs de pouvoir actuellement. The Arrival, qui offre une linguiste aidant à traduire le langage d'entité extra-terrestre, pointe aussi vers une vision d'harmonie globale.Harmonie globale hypothéquée et qui semble en danger avec ses bibittes et leurs amis au pouvoir. Nathalie Portman en Jackie Kennedy, nous montre tout simplement comment survivre et rester droit et digne après un traumatisme en grosse lettres dorées.
Puis il y a La-La-Land, qui a tout raflé dans les cercles de critiques et au BAFTA Awards, une comédie musicale comme ça n'existe pas dans la vraie vie vraie. Des gens qui, en plein trafic, commencent à chanter comme ça, tout bonnement, leurs pensées (je ne me suis pas rendu plus loin, je déteste trop les comédies musicales) et à danser, et qu'on devrait faire enfermer chez les fous pour la chose. La fantaisie de Damien Chazelle propose le rêve américain de deux jeunes aspirants plein d'espoir, et suggère que tous les kids peuvent accomplir ce rêve. Make it big.
Ce devrait être le grand gagnant ce soir, car c'est le bijou qui marierait parfaitement Trump et Hollywood.
Dans ce 2017 Trumpapocalyptique.
Mais je ne ferai pas de prédictions.
C'est ce que m'aura au moins appris les États-Unis avec leurs élections.
(Bien que je vous avais prédit exactement ce qui s'est passé et pourquoi)
La 89ème cérémonie de remises de prix des Oscars, récompensant le cinéma produit aux États-Unis, a lieue ce soir.