La fille de l'ouvre boîte : fine lame de Rob Davis

Par Hectorvadair @hectorvadair
La fille de l’ouvre boite
Rob DavisWarum Janvier 2017
Véra Pike est une jeune fille vivant dans un monde étrange : « Bear park » où les objets du quotidien sont des dieux, où il pleut des lames de couteau, et où ce sont les enfants qui accueillent leurs parents, fabriquée dans ce qu’on appelle la Forge des orphelins. Ceux-ci accompagnent leurs enfants jusqu’à une date fatidique connue des seuls intéressés : l’heure de mort, et dont les circonstances et l’heure exacte sont inscrites dans le livre des morts. Nul n’échappe à son destin, sauf peut-être Véra, la propre fille de la reine, un monstre coiffée d’une tête d’horloge : la Météorloge, et ses deux amis : Castro et Scarper, qui vont tenter d’échapper à la folie de ce monde.Ah oui, Véra a aussi un papa : un ouvre boîte, qui passe le plus clair de son temps sous le joug de sa femme, enfermé dans un tiroir.Lorsque l’on rentre dans l’univers de Vera Pike, on découvre rapidement et avec choc une part de ce qui fait l’originalité de l’auteur. Rob Davis est un auteur engagé, et amoureux du médium, cela se sent. Il l’a prouvé avec ses précédents projets, dont l’anthologie Nelson, et démontre ici un talent très particulier de conteur. Si je n’ai pu personnellement m’empêcher de penser  à Courtney Crumrin, la jeune demoiselle au caractère bien trempée créée par Ted Naifeh, qui a aussi fort à faire avec des créatures étranges, dont ses camarades de classe, (Akiléos), le non sens et l’univers complètement loufoque d’un Ash Barrett (Vincent Hardy, Vent ouest 1986-87) vient aussi à l’esprit. La folie et l’aspect sociétal déphasé de la série «  Mardigrasdescendres, d’Eric Liberge (1998-2005) peut aussi présenter un beau rapprochement de genre.La thématique politique est forte, et comme tout bon auteur de comics anglais qui se respecte, pourrait on dire, (en tous cas toute la génération 2000Ad, et les compagnons de route d’Alan Moore), on verra un clin d’oeil sûrement non innocent à 1984 dans cette horloge surveillant tout de loin, voire  un autre, à la série british le Prisonnier , lorsque d’étranges véhicules poursuivent nos héros dans un drôle de village ou des « Décepteurs » sont là pour récupérer ceux qui se refusent à leur destin.On notera aussi la mise en lumière de la profession de journaliste, qui pourra rappeler au passage le comics en cours Paper girls (Brian K Vaughan/Cliff Chiang, Urban 2016), où une équipe de journalistes à vélo n’hésite pas à laisser tomber son accord de principe concernant le respect de la loi, afin de créer un scoop plus intéressant en aidant les fuyards et en acceptant la publication d’un livre interdit. (Politique et actuel, vous avez dit ?)  Côté graphique, si le dessin de Rob Davis ne possède pas la patte la plus engageante que l’on puisse rêver au premier abord, dans un style que l’on pourrait qualifier de jeunesse en France, même s’il est effectué en noir et blanc, ce petit bémol est largement dépassé par l’ingéniosité et l'extravagance du scénario. Culte !La page du livre chez Warum éditions
Nb : cette chronique est tirée d'un article plus long sur l'auteur Rob Davis, à lire sur le site BDzoom, où je publie depuis Juillet 2017 régulièrement un papier consacré aux comics alternatifs.Franck, alias Hectorvadair.