En ces temps de leadership douteux aux États-Unis, je vous offre un weekend de questionnement social via la culture sur ce que nos voisins appellent effrontément l'Amérique pour eux tout seul.
Beau Willimon, auteur de la populaire série House of Cards, celle-ci adaptée du livre du britannique Micheal Dobbs, série et livre qui nous montrent un machiavélique et parfaitement malsain manipulateur élu de la chambre des représentants et whip de la majorité électorale (et futur secrétaire d'État) qui nous montre par A+B comment flouer autrui en tout temps, disait récemment qu'il s'était beaucoup censuré en écrivant sa série à succès. Trouvant parfois qu'ils allaient trop loin et qu'ils risquaient de manquer de crédibilité avec certaines situations.
La réalité a maintenant rejoint la fiction.
Fiction et réalité se sont souvent mêlés dans les arts et sont appelés à le faire de plus en plus partout avec le net et le malsain phénomène des fake news. En Angleterre, présentement, on a tant écrit sur une invasion Nazi durant la Seconde Guerre Mondiale, en uchronie, que les Anglais, de tout âge, se sont presque convaincus du révisionnisme, et pensent que les Nazis ont un jour envahi l'Angleterre entre 1939 et 1945, ce qui ne fût jamais le cas.
En 2004, Philip Roth publiait son 22ème roman, une uchronie, The Plot Against America. Le livre, croisant faits réels et fiction, raconte la montée de l'antisémitisme, lorsque le président du mouvement America First (tiens!), et pilote recordman superstar Charles A. Lindbergh* (tout est ça est vrai, ses discours antisémites dans le livre aussi) est élu comme 33ème président des États-Unis (là c'est faux) sous la promesse que les États-Unis ne s'investiront pas dans la Seconde Guerre mondiale en cours. Le livre nous montre l'impact sur une famille modeste juive d'Elizabeth dans le New Jersey, dont la vie devient oppressante à tous les niveaux et qui est peu à peu ostracisée subtilement par le gouvernement en place. Et polluée beaucoup moins subtilement.
Les voix juives se font entendre et manifestent et bien assez vite le chaos est total. Un populaire animateur juif de radio qui crie au loup depuis le début de la présidence de Lindbergh est assassiné. Lindbergh signe un pacte de non agression avec Hitler, les familles juives sont espionnées ou tout simplement déportées des grandes villes, le climat social aux États-Unis s'effondre. Les frontières du Mexique et du Canada se ferment. La société implose.
L'action se déroule entre juin 1940 et octobre 1942. Dans les 30 dernières pages, on y lit "...lorsque (le gouvernement) avait atteint des sommets dans l'illégalité..."
C'est pas de la clairvoyance ça?
Cette semaine, plus de 100 tombes ont été vandalisées dans un cimetière juif du Missouri.
"...Tous les jours je me pose la même question: comment cela est-il possible aux États-Unis? Comment des gens comme ça peuvent-ils être en charge du sort de notre pays? Si je ne le voyais pas de mes yeux, je croirais à une hallucination..." (P.196)
Tout à fait applicable à mes propres sentiments depuis le 8 novembre dernier, alors imaginez pour l'Étatsunien! L'immigrant!
"...C'était Lindbergh, le sauvage individualiste, le légendaire Étatsunien, l'homme des hommes qui rend tout possible en ne comptant que sur lui-même..." (p.30)
Les partisans de l'administration actuelle aux États-Unis parleraient aussi de leur homme ainsi et croient aussi en leur phare, même si allumée d'une lumière de 40 watt.
Dans le livre de Roth, Quand le chaos est à son paroxysme et que même le bien-aimé Lindbergh disparaît à son tour, l'appel au calme, les grandes décisions, les questions et les tribunes sont accordées aux membre du Ku Klux Klan et aux Nazis.
Les suprémacistes blancs grouillent comme des poux dans une crinière, dans l'entourage du président actuel.
Des voix de gens sains d'esprits et lucides se font aussi entendre avant d'être muselées dans l'oeuvre de Roth.
"Il y a un complot, ça ne fait aucun doute, et je vais vous nommer les forces qui le guident: l'hystérie, l'ignorance, la malice, la stupidité, la haine et la peur. Quel spectacle répugnant est devenu notre pays!" (P.315)
The Plot Against America.
Uchronie malsaine plus appropriée que Roth ne l'aurait jamais cru lui-même.
L'ai dévoré en 3 jours.
Le Washington Post, version web, a un nouveau slogan depuis le 17 février dernier.
*Charles A. Lindbergh était très antisémite pour vrai, avant de découvrir l'horreur des camps de concentration.