Las, si l'intitulé est le même, si le groupe éparpillé a conservé son noyau dur (P.Pigeard/C Van Huffel) , il y a à peu près autant en commun entre ces deux moutures de Tanger qu'au hasard entre The Who Sell Out et Who's Next.
Le dernier des mohicans underground français, sans doute soucieux de mettre de l'eau dans son vin, ("Allo, monsieur le banquier ? Pour mon autorisation de découvert....") est passé à totalement autre chose ! Finies les mélopées sensuelles d'antan, terminé le prog-rock classieux encore présent jusqu'au Détroit. Adieu les racées sonorités du Hammond B3 et sa cabine Leslie, ces percus et ces flutes arabisantes, ces longs mantras pénétrants et enivrants qui faisaient du combo parisien il y a encore quelques années, oh ! pas un précurseur de quelque musique que ce fût, mais plutôt un digne héritier, ovni en son temps de formations progressives cultes du rock français des 70's : Eden Rose, Omega Plus, Melmoth,.....
Les textes étaient aussi précieux (dans les deux sens du terme) qu'ils sont bavards à présent. C'est clair : pour perdurer et trouver sa place dans le monde impitoyable du rock français qui ne jure que par la variétoche immonde et les orchestres d'adolescents boutonneux fils à papa jouant du Ramones, Tanger a vendu son âme, c'est aussi simple que ça !
Tout dans cet album est de mauvais goût : de la pochette au rose dégueu mettant pourtant et pour la première fois en vedette les musiciens, aux paroles qui se fourvoient dans des rimes ou des références ridicules voire pesantes, pour qui a connu les années 80 ("C'est les watt qu'on préfère"). De fait Tanger, met les pieds dans la chanson française dans tout ce qu'elle a de plus vil au niveau des tics du phrasé (en plus n'est pas Jad Wio qui veut pour se permettre des leeeeeiii), des rythmiques poum poum papatchouk qui tournent dans le vide.
Jusqu'au gimmick fatal et irrémédiablement rédhibitoire à savoir l'exercice du duo foireux tel qu'il peut être en vogue : ici on doit se fader l'inepte duo Parti Chercher des Cigarettes dont on devine, à l'aune de la voix (?) de Nina Morato à la limite de la trachéotomie que l'exercice relève du vécu. Et redonne par là-même de l'espoir à Annie Girardot !
Et pourtant, tout avait si bien commencé lorsque sur leur blog MySpace, j'avais pris connaissance du nouveau morceau en streaming, le superbe Météorites, sorte de variation nihiliste et apocalyptique de Suicide, avec ce son bourdonnant... Et bien, même la version ici paraît accélérée, avec moins d'échos, bref un mix différent et moins réjouissant !
S'il était une chose à souhaiter à Tanger à qui bien sûr on souhaite tout le meilleur pour être restés intègres aussi longtemps et avoir bouffé tant de vache enragée, c'est que l'un des deux singles potentiels de l'album, ("Cyclotron"; "La Fée de la Forêt" et ses ouuuuuh, ouuuuuuh rpbpratifs) deviennent des tubes ! Afin que toute cette démarche ait un sens (commercial, s'entend !)
Comme un symbole, Tanger est passé, non loin de chez moi, dans le cadre d'une tournée mettant en scène son plus mauvais disque, en tout cas le moins représentatif ; en sus leur disputaient la vedette des horreurs sans nom du type BB Brunes. Je n'y suis pas allé.....
En bref : le chant du cygne d'un ex-groupe culte : rendez-nous nos "Manga", "Ebony", "L'immodeste attitude" et autres Facel Vega" !