Cette valse des hésitations a sur moi un double effet, on ressent l'angoisse de Maxime et les doutes qui le rongent et d'un autre côté, je me sens loin de lui. Car Maxime ne profite pas vraiment de l'instant présent – même s'il se donne corps entier à son amour – puisqu'il hésite, mais ses hésitations tournent en rond et il ne s'interroge pas vraiment sur ce que le futur lui réserve, mais plus sur un souci présent de vivre ou non cette histoire. Du coup, Maxime ne profite pas de son histoire présente à la Carpe Diem mais il n'est pas non plus dans une projection future. Il erre au fond de sa tête. Et j'ai plus envie de lui donner un bon coup de pied aux fesses que de l'écouter gentiment. Comme dit Akiko "Tu cogites trop", je rajouterais "Tu cogites trop en rond". En fait, j'en veux à Maxime car je pressens le moment où Akiko paiera les pots cassés de ces doutes. Doutes qu'il garde pour lui et ne partage jamais avec elle, peut-être aussi parce qu'il ne trouve pas les mots. Du coup, cette belle histoire d'amour qui aurait pu se laisser vivre par les deux amants sur le long terme et qui aurait pu échouer ou réussir, Maxime la sabote inconsciemment. Ses allers-retours en France illustrent un peu son indécision, un pied dans un pays, un pied dans l'autre. Des projets de BD qu'il voudrait réaliser mais qui ne semblent pas avancer, des boulots alimentaires pour repartir au Vietnam. Et là surgit un autre point qu'aborde l'histoire : l'amour longue distance. Akiko à Saïgon et Maxime en France, comment vont-ils échanger, cette histoire durera-t-elle ? Mais à l'ère du numérique, ce ne sont plus les longues lettres qui les relient mais les messageries et les webcams. Les échanges virent vite à l'amour en ligne ! Comme si le sexe était une échappatoire qui permettait à Maxime de ne pas se poser de questions. Mais cette relation longue distance soulève d'autres interrogations chez le jeune homme, comment vont se passer les retrouvailles ? Et surtout quand ? Maxime, du haut de ses vingt-cinq ans, n'a pas encore compris qu'il vaut peut-être mieux vivre pleinement une belle histoire d'amour sans savoir où elle nous mènera que de regretter de ne pas l'avoir vécue. Il apprendra cette leçon bien durement. Malheureusement, il ne fera pas souffrir que lui. Akiko subira aussi les conséquences des hésitations du jeune homme.
Maxime, Akiko, et la messagerie longue distance ! Graphiquement, Les personnages rond et stylisés, parfois esquissés, aériens, semblent nous entraîner dans un récit léger alors qu'il n'en est rien. Ce contraste fonctionne merveilleusement bien. Autour d'eux, des décors simplifiés également mais toujours clairs et faciles à comprendre, et surtout ce choix de couleurs, vert, bleu, rose, liés au lieu où se déroule l'histoire. Des couleurs simples, qui elles aussi adoucissent visuellement un récit triste. Au milieu de cela débarquent parfois des dessins au trait noir, sortis tout droit des carnets de voyage de Maxime Péroz. Et le héros s'appelle Maxime... Mais nous ne creuserons pas plus loin. La composition simple mêle cases de petites tailles, denses en dialogue avec de grandes cases muettes. Le dessinateur sait mettre en scène la vie de tous les jours que Maxime observe depuis son balcon, ou qu'il vit dans ses déplacements à mobylette et aussi la vie de toutes les nuits, n'hésitant pas à partager avec le lecteur les ébats torrides de ses héros, sans jamais tomber dans la vulgarité. Car ces nuits torrides débordent aussi d'amour. D'ailleurs, le regard d'Akiko sur la couverture ne laisse aucun doute sur ses sentiments.