Big Bang Saïgon - la chronique d'un amour passionné

Publié le 24 février 2017 par 7bd @7BD
Titre : Big Bang Saïgon Auteur : Hughes Barthe (scénario et dessin), Maxime Péroz (dessin) Editeur : La Boîte à bulles Collection : Hors-champ Année : 2017 Page : 160 Résumé : Printemps 2005, Maxime est assis dans l'avion qui le ramène au Vietnam. Il est heureux de retrouver Akiko, sa petite amie qui attend son retour. Les retrouvailles se passent merveilleusement bien et finissent au lit. Mais Maxime semble tiraillé par quelque gêne intérieure... Qui vient d'où ? Retour dans le passé, là où tout a commencé, avant son premier voyage au Vietnam, alors que Maxime était un jeune fraîchement diplômé d'une école d'art et qu'il cherchait sa voie, habitant toujours chez ses parents, quelque part en France... Mon avis : Big Bang Saïgon est une histoire d'amour. Mais elle recèle bien plus que cela. Car autour de l'amour passionné entre Maxime et Akiko se pose la question des racines, celles que Maxime est venu rechercher au Vietnam où son grand-père aurait laissé un fils pendant la guerre d'Indochine et aussi la question de l'intégration, de la découverte d'une autre culture. Maxime finit par se fondre dans ce pays qui prend corps autour de lui, mais il semble pourtant rester toujours étranger. Ce que lui renvoie son histoire d'amour, enfin, à ses yeux. Il craint quelque chose, ou plutôt semble chercher quelque chose qu'il ne trouve pas. Et ce n'est pas ce demi-oncle perdu quelque part dans le pays. Maxime se cherche, peut-être comme tout jeune homme arrivant à un carrefour de sa vie, hésitant devant deux voies si différentes et apparemment inconciliables. Rentrer en France et construire sa vie dans son pays, où s'installer au Vietnam et vivre cet amour avec Akiko, et partant de là se construire une autre vie ? Ou encore partir avec Akiko au Japon ? Venir vivre avec elle en France ? Tout d'un coup, les choix deviennent si vastes... Et puis questions centrales de Maxime : Akiko est-elle la bonne personne ? Que va devenir sa liberté ? Maxime ne sait pas, hésite, ment par omission, cogite. Finalement, j'ai eu l'impression que cette histoire d'amour arrivait trop tôt dans la vie du jeune homme, qu'il n'était pas prêt à la vivre et qu'il s'y jetait tout en traînant des deux pieds. Attitude paradoxale ! Il faudra un choc violent pour que Maxime comprenne ce qu'il veut vraiment. Mais ne sera-t-il pas trop tard ?
Cette valse des hésitations a sur moi un double effet, on ressent l'angoisse de Maxime et les doutes qui le rongent et d'un autre côté, je me sens loin de lui. Car Maxime ne profite pas vraiment de l'instant présent – même s'il se donne corps entier à son amour – puisqu'il hésite, mais ses hésitations tournent en rond et il ne s'interroge pas vraiment sur ce que le futur lui réserve, mais plus sur un souci présent de vivre ou non cette histoire. Du coup, Maxime ne profite pas de son histoire présente à la Carpe Diem mais il n'est pas non plus dans une projection future. Il erre au fond de sa tête. Et j'ai plus envie de lui donner un bon coup de pied aux fesses que de l'écouter gentiment. Comme dit Akiko "Tu cogites trop", je rajouterais "Tu cogites trop en rond". En fait, j'en veux à Maxime car je pressens le moment où Akiko paiera les pots cassés de ces doutes. Doutes qu'il garde pour lui et ne partage jamais avec elle, peut-être aussi parce qu'il ne trouve pas les mots. Du coup, cette belle histoire d'amour qui aurait pu se laisser vivre par les deux amants sur le long terme et qui aurait pu échouer ou réussir, Maxime la sabote inconsciemment. Ses allers-retours en France illustrent un peu son indécision, un pied dans un pays, un pied dans l'autre. Des projets de BD qu'il voudrait réaliser mais qui ne semblent pas avancer, des boulots alimentaires pour repartir au Vietnam. Et là surgit un autre point qu'aborde l'histoire : l'amour longue distance. Akiko à Saïgon et Maxime en France, comment vont-ils échanger, cette histoire durera-t-elle ? Mais à l'ère du numérique, ce ne sont plus les longues lettres qui les relient mais les messageries et les webcams. Les échanges virent vite à l'amour en ligne ! Comme si le sexe était une échappatoire qui permettait à Maxime de ne pas se poser de questions. Mais cette relation longue distance soulève d'autres interrogations chez le jeune homme, comment vont se passer les retrouvailles ? Et surtout quand ? Maxime, du haut de ses vingt-cinq ans, n'a pas encore compris qu'il vaut peut-être mieux vivre pleinement une belle histoire d'amour sans savoir où elle nous mènera que de regretter de ne pas l'avoir vécue. Il apprendra cette leçon bien durement. Malheureusement, il ne fera pas souffrir que lui. Akiko subira aussi les conséquences des hésitations du jeune homme.
Maxime, Akiko, et la messagerie longue distance ! Graphiquement, Les personnages rond et stylisés, parfois esquissés, aériens, semblent nous entraîner dans un récit léger alors qu'il n'en est rien. Ce contraste fonctionne merveilleusement bien. Autour d'eux, des décors simplifiés également mais toujours clairs et faciles à comprendre, et surtout ce choix de couleurs, vert, bleu, rose, liés au lieu où se déroule l'histoire. Des couleurs simples, qui elles aussi adoucissent visuellement un récit triste. Au milieu de cela débarquent parfois des dessins au trait noir, sortis tout droit des carnets de voyage de Maxime Péroz. Et le héros s'appelle Maxime... Mais nous ne creuserons pas plus loin. La composition simple mêle cases de petites tailles, denses en dialogue avec de grandes cases muettes. Le dessinateur sait mettre en scène la vie de tous les jours que Maxime observe depuis son balcon, ou qu'il vit dans ses déplacements à mobylette et aussi la vie de toutes les nuits, n'hésitant pas à partager avec le lecteur les ébats torrides de ses héros, sans jamais tomber dans la vulgarité. Car ces nuits torrides débordent aussi d'amour. D'ailleurs, le regard d'Akiko sur la couverture ne laisse aucun doute sur ses sentiments. L'amour avance à grand pas dans la chaleur de Saïgon Si vous avez vécu une histoire d'amour dépaysante – pas forcément par le voyage à l'étranger qui l'aurait accompagné – où vous vous êtes emmêlés les pinceaux comme Maxime, Big Bang Saïgon vous enverra un reflet dessiné de ce que vous avez peut-être traversé. Et ce ne sera pas forcément très agréable. Pour ma part, en refermant ce livre, j'aurais voulu une fin différente, le bonheur d'un couple, l'espoir de l'amour. Mais si j'avais eu cette fin, j'aurais grogné en disant "encore ces happy ends, ça m'agace, je déteste ça et gna gna gna". Finalement, je suis peut-être comme Maxime, J'espère toujours avoir ce que je n'ai pas, au lieu de voir le bonheur dans ce que j'ai. Parce que ce que j'ai entre les mains avec Big Bang Saïgon, c'est un récit simple qui m'a touché, ému, agacé, énervé, fait rire, presque pleurer. Mine de rien, que demander de plus à une histoire ? Zéda au Vietnam ! David  Inscrivez vous à notre newsletter :