Partager la publication "[Critique] FENCES"
Titre original : Fences
Note:
Origine : États-Unis
Réalisateur : Denzel Washington
Distribution : Denzel Washington, Viola Davis, Stephen Henderson, Jovan Adepo, Russell Hornsby, Mykelti Williamson, Saniyya Sidney, Christopher Mele…
Genre : Drame/Adaptation
Date de sortie : 22 février 2017
Le Pitch :
Troy Maxson voulait jouer au baseball chez les pros mais a dû renoncer. Devenu éboueur pour faire vivre sa famille, c’est un homme rongé de l’intérieur qui s’entête à inculquer un pragmatisme forcené à ses enfants qui, eux, aspirent à autre chose. L’équilibre du foyer tient ainsi sur les épaules de son épouse, Rose. Mais tout ceci ne tient qu’à un fil…
La Critique de Fences :
Acteur prolifique, Denzel Washington est un homme qui sait prendre son temps quand il s’agit de passer de l’autre côté de la caméra. Après Antwone Fisher en 2002 et The Great Debaters en 2007 dans lesquels il s’attachait à retranscrire des histoires vraies, des sujets forts mais avec un académisme forcené, le voici qui revient à la mise en scène. Plus forte, plus nuancée, cette troisième œuvre marque un cap.
Des planches à l’écran
Pour son nouvel effort, Washington s’est attelé à l’adaptation de la pièce de théâtre homonyme d’August Wilson, récompensée aux Tony Awards (l’équivalent américain des Molières) et du Prix Pulitzer en 1987. Son attachement à l’œuvre de Wilson pousse l’acteur à rencontrer le dramaturge en 2000, avec lequel il discute du processus d’écriture. Par la suite, Washington joue Fences sur les planches de Broadway en 2010 avec Viola Davis ( ils reçoivent tous les deux un Tony Awards). De longues heures passées ensemble à jouer la pièce, qui se ressent à la vision du film. L’alchimie entre les acteurs est là. Dans les silences, au travers des échanges de regards, et au fil des dialogues, fluides, tout semble naturel. L’ombre de Wilson, disparu en 2005, plane sur la ville de Pittsburgh où l’action est centrée et où il a vécu. Washington, qui a pris pour habitude, sur le tournage, de s’adresser directement au metteur en scène, retranscrit avec éloquence ces mots et leur signification, à l’unisson avec les autres comédiens . Pour autant, il sait aussi éviter consciencieusement le piège du théâtre filmé grâce à une réalisation toutes en nuances.
Un jeu plein de nuances
Fences le prouve : dans un bon film, il n’y a pas de petits rôles. Certes, Denzel Washington occupe le centre du cadre, comme dans beaucoup de ses longs-métrages. Son charisme en impose. Quand il rentre dans une pièce, on ne voit que lui. Mais en face, Viola Davis ne se prive pas de briller. Encensée pour La Couleur des Sentiments, elle retrouve un rôle à sa mesure, d’une très grande force. Son personnage est admirable. C’est un véritable un roc. Derrière une femme qui donne l’impression d’être soumise, elle montre que c’est elle qui tient la baraque et que sans elle, tout l’édifice s’effondrerait. Un tel personnage demande un jeu juste, précis ,pour éviter toute caricature. Denzel Washington et Viola Davis qui livrent donc des performances véritablement intenses et pertinences, à l’image du reste de la distribution, où se croisent notamment le jeune Jovan Adepo (The Leftovers, NCIS : Los Angeles) très prometteur dans le rôle du fils cadet, ou encore Mykelti Williamson, bluffant dans celui du frère du personnage principal, atteint de démence ( une des causes des errements de ce dernier). Là aussi, jouer un tel personnage sans tomber dans la caricature de la camisole de force et de l’entonnoir sur la tête demande beaucoup de nuances et de justesse. Décidément… Pas de personnages insignifiants dans Fences…
Une ode à la résilience
Le film peut passer pour bavard mais en fait, point de parlottes inutiles. Chaque mot a son importance. Si Fences prend son temps durant les deux heures et vingt minutes, c’est que c’est nécessaire. Les choses se mettent en place doucement, rien n’est brusqué dans ce quasi huis-clos magnifié par le très beau travail de la chef-opératrice Charlotte Bruus Christensen (Loin de la Foule Déchaînée, Life). Derrière la caméra, Washington ne meuble pas avec des effets faciles et ne sombre à aucun moment dans le pathos tire-larmes. Au contraire, il fait preuve de retenue et de pudeur. Ce traitement est appelée par le sujet lui-même, celui d’une résilience qui s’installe peu à peu. La résignation d’un homme prêt à renoncer à ses rêves pour nourrir à sa famille. La résilience d’une femme et de son fils face aux épreuves de la vie infligées par un homme aigri qui s’entrevoit en pater familias autoritaire, et qui ne sait pas dire ou montrer son amour. Celle du rêve face aux très graves problématiques de la communauté Noire, dans cette époque du début de la fin de la ségrégation…
En Bref…
Denzel Washington signe ici sa meilleure réalisation et campe un de ses meilleurs rôles, à la hauteur de Philadelphia ou de Training Day. Face à lui, Viola Davis explose. L’alchimie entre les deux impressionne et les autres acteurs, tous très bien dirigés, crèvent l’écran. Fences fait preuve d’une grande sensibilité, et sait éviter tout académisme ou autres effets tire-larmes faciles. Le film mature et tout en nuances d’un réalisateur qui sait montrer son attachement à l’œuvre originelle. Les nominations aux Oscars ne sont absolument pas usurpées.
@ Nicolas Cambon