Mon cher Emmanuel,
Je vois qu'avec l'alliance que vous venez de passer avec François Bayrou l'axe central est en marche, c'est le cas de le dire.
Je dois vous l'avouer, mon cher Emmanuel, j'ai eu la dent dure contre vous sur mon blog, et plus d'une fois. Si je vous rejoins aujourd'hui, c'est uniquement parce que François Bayrou le fait et que j'ai une confiance inébranlable en ce dernier. Je dois toutefois vous concéder que j'avais décelé des inflexions qui n'étaient pas pour me déplaire dans le programme que vous vous êtes enfin décidé à dérouler, depuis deux semaines.
Je me permets toutefois quelques amicales suggestions :
Premièrement, quand un thème ne fait pas sens mais est très clivant dans la sphère politique, c'est absolument inutile d'aller chercher les embrouilles pour des clopinettes. Les deux monumentales bourdes que vous avez faites la semaine dernière en sont des illustrations éclairantes.
Deuxièmement, vous l'avez noté, les médias se sont longtemps intéressés à vous mais depuis dix jours ils se sont carrément retournés contre vous. Maintenant, tout le monde va vouloir votre peau et celle de François (Bayrou) et il va vous falloir naviguer vent debout par gros temps. Ce n'est pas tout : fachosphère, réacosphère, gauchistes archéo-révolutionnaires, ils rêvent du goulag et de la schlague pour vous. Tous en embuscade parce qu'ils sentent bien que le jeune premier que vous êtes va les priver d'une victoire qu'ils étaient convaincus de conquérir aisément. Méfiez-vous, Emmanuel Macron : dans une campagne comme celle-là, tous les coups sont permis, y compris les plus vils, calomnies, diffamations et la liste peut être longue, ils ne vous rateront pas s'ils le peuvent.
Troisièmement, démarquez-vous sur les choses qui en valent la peine : on ne parle pas assez de santé dans cette campagne, mais considérez qu'un Français sur trois sera susceptible d'être touché par le cancer, par exemple, qu'il existe une série d'autres affections qui nous affligent et que même dans les villes obtenir un rendez-vous avec un spécialiste tient de la gageure. Vous voulez faire un coup d'éclat ? Au lieu d'évoquer la colonisation, aspect de notre histoire qui concerne les historiens, désormais, annoncez un plan d'envergure pour repeupler de cabinets médicaux les provinces si déshéritées que l'absence de médecins y est désormais une cause de mortalité ou de dégradation brutale de la santé ! Je ne sais pas moi, annoncez que vous multipliez par deux le numerus clausus aux concours de médecine, que vous autorisez aux pharmaciens certains actes de santé, des choses de ce genre, ensemble, qui créeraient un choc sanitaire positif. Bref, employez intelligemment votre énergie.
Quatrièmement, prenez en considération les Français qui travaillent. Mais je crois que François en a fait un pilier de son alliance avec vous...Non non, le dimanche n'est pas un jour comme les autres et il doit être payé en heures supplémentaires et grassement. Même chose pour le travail de nuit. Bref, abstenez-vous de toute velléité dérégulatrice dans ce domaine sans vous interdire une certaine flexibilité naturellement. Plus généralement, ne faites pas du pouvoir d'achat des Français une marge d'amortissement des coûts.
Cinquièmement, ne vous en déplaise, il n'y a pas des cultures françaises mais UNE culture française, et vous feriez bien de vous en rappeler si vous aspirez à devenir le président des Français. Nous avons un modèle, nous avons une langue, nous avons une culture, et nous ne voulons pas les sacrifier aux idéologies dominantes. Et quand nous aimons l'Europe, nous continuons d'aimer la France et ne les jouons jamais l'une contre l'autre, qu'on se le dise.
Mesurez, enfin, à quel point la caution morale de François Bayrou vous est précieuse. Jamais je n'envisagerais de voter pour vous sans lui. Aujourd'hui, à mon lieu de travail, j'ai entendu plusieurs personnes envisager de décaler leur vote vers vous uniquement parce que François Bayrou s'associe à vous. Plus surprenant, des électeurs venus du camp Hamon pourraient aussi vous accorder leur voix pour la même raison.
Nous, les centristes historiques, qui nous sommes battus pour conserver notre indépendance, ne nous décevez pas. Nous sommes conscients qu'il existe une occasion historique d'envoyer paître d'un coup les deux partis qui se partagent le pouvoir depuis plusieurs décennies tout en bloquant la route aux populismes de gauche et de droite. Nous pouvons gagner mais il faudra pour cela un projet qui soit doté d'une âme, un programme dont les appuis soient plus que solides : enraciné dans notre terroir tout en étant tourné vers l'horizon.
Bien cordialement à vous, mon cher Emmanuel,
Rodrigo Borgia alias l'Hérétique, blogueur centriste et démocrate canal-historique