Tout a commencé par un banal rendez-vous d’information sur les nouvelles dispositions légales de 2017 en termes de financement des formations professionnelles hors référencement Compte Personnel de Formation pour adultes dont le carnet de vaccination est à jour et disposant de tous les points à leur permis de conduire.
Une heure d’entretien s’ensuit avec une personne aussi charmante que désespérée par le rétrécissement du champ des possibles qu’elle est en mesure de proposer aux personnes qu’elle accompagne dans leur projet professionnel personnalisé (3P). De cet entretien revigorant sur le fait que les maximes d’hier sont toujours d’actualité (aide-toi le ciel t’aidera, un McCartney vaut mieux Paul Emploi, etc), je sortais de bon matin avec une furieuse envie d’aller me recoucher (car qui dort dîne, c’est utile pour faire des économies).
Sortant donc de ce bureau exigu de la tour CIT sise non loin de Montparnasse, d’un bureau qu’on loue à la petite semaine, ne sachant pas si le business sera reconduit d’ici la fin du mois, et profitant de cette forme d’occupation de l’espace urbain unique aux tours qu’est le savant mélange de lieux de travail et de lieux de consommation, mes pas lents et indécis me conduisent devant un œuf translucide géant, immense photophore diffuseur de parfum d’ambiance passant une à une les couleurs de l’arc-en-ciel selon un rythme secret cadencé sur mes ondes internes et cosmiques, trônant au beau milieu de la vitrine du magasin Nature & Découvertes. En mal d’œuf ces temps-ci, suite à la perte récente d’un luminaire en œuf d’autruche que je tenais de mon grand-oncle, je me dirige alors en mode robot dans cette enseigne prometteuse d’une escale détente bien méritée.
Ce qui est chouette quand on évite de fréquenter ce genre de destination trop souvent, c’est qu’on est émerveillé à chaque seconde, un peu comme le gamin de la campagne qui vient en ville. La privation a du bon. Après quelques minutes en arrêt devant les bâtonnets d’encens « après la pluie », tel le fox-terrier devant sa bécasse, mon cerveau limbique déconnecte enfin pour laisser le contrôle au cortex pré-frontal qui me guide vers des achats plus rationnels. La question de savoir de quoi j’avais besoin en entrant là ne trouvant pas de réponse, je baguenaude gaiement au milieu des produits bien-être sans complexe.
Entrée sans panier et sans aucune intention, mais avec carte de crédit, me voilà, magie du commerce et de la compulsion, les bras chargés de cadeaux mais sans hotte, ce que je payerai plus tard à double titre. Sachet de graines de chia, extrait de parfum de frangipanier, assortiment de carrés de chocolat belge équitable, bougies chauffe-plat LED pour avoir l’ambiance feutrée sans la peur panique de déclencher un incendie (phobie du feu provenant d’une ancêtre pratiquant la sorcellerie). Et puis, le dérapage, l’article en trop, le petit truc en plus qu’on aurait pas dû prendre : une belle blanche parisienne houblonnée à souhait me tend les bras, avec son petit look rétro et ses 6° d’alcool, bouteille en verre brun, étiquette chic, 33 cl. Je craque sans sourciller. J’étais entrée pour un œuf mutlicolore diffuseur de parfum et je vais me saôuler, il est 10H30 du matin.
J’étais entrée pour un œuf mutlicolore diffuseur de parfum et je vais me saôuler, il est 10H30 du matin.
Vendredi prochain, soirée copines. L’une d’entre elles s’étant mise au yoga récemment, et pour l’y encourager, je me dirige vers le rayon éponyme sur mon chemin de retour vers les caisses, sûre de trouver un petit présent qui saura la combler. Prise d’un soudain strabisme divergent entre les chaussettes japonaises à gros orteil séparé et un petit opus sur « Comment débuter le yoga ? » dont je me saisis pour vérifier la validité du propos, ma belle blanche en profite pour me glisser des mains et s’éclate avec fracas et fractales de verres tout autour de moi, diffusant une odeur de bibine contrastant fort avec l’ambiance zen du lieu. Sortant de ma torpeur, j’admire les bloup -bloup de la mousse sur le carrelage fraichement lavé lorsque la couleur jaune de cette écume bouillonnante se teinte de grenat à mon grand étonnement. Sans trop y croire, suivant des yeux le chemin du filet rouge qui se propage, je réalise qu’un éclat de verre malencontreux a réussi l’exploit de transpercer la toile de mon pantalon et de m’entailler le mollet gauche sur 2 bons centimètres.
4 points de suture plus tard, je me demande si le yoga est vraiment bon pour la santé, ou si au test des alcooliques anonymes, acheter de l’alcool avant 11H du matin entre deux rendez-vous de travail compte pour beaucoup de points. Si oui, je demande à ce que ce score soit minoré au regard de mes origines belges, car papa m’a toujours dit « la bière, c’est du soft ».
Je pense possible de concilier la passion pour la bière et le yoga et, devant ménager ma jambe quelques temps, je vais me remotiver en regardant cette vidéo qui donne un autre aperçu de la discipline dont j’encourage la pratique à toute personne voulant retarder la mise en bière.