Un peu plus de 100 ans après sa première parution Le Canard Enchaîné se porte à merveille. Et a un réelle influence sociale. Voilà un chien de garde extrêmement utile et sain en cette époque de corruption banalisée.
Au fil de son histoire, Le Canard Enchaîné a accumulé les bons coups avec son humour grinçant (dans les rubriques Le mur du çon, prise de bec, La mare aux canards, entre autre) et l'exposition constante de crosses hebdomadaires de petite, moyenne, grande et très grande envergure.
Il faut savoir que le journal fonctionne de manière fantastiquement indépendante, sans publicités aucune, sans site internet même, est diffusé à 392 214 exemplaires par année, tous les mardis dans la nuit, en générant des profits oscillant autour de 24,5 millions d'Euros.
Comme quoi la palmipède* est aimé dans la patrie.
Dans la foulée du fiasco Fillon, voici 10 fois où Le Canard Enchaîné a fait frémir le pouvoir politique, économique et industriel.
Le Canard rapporte et commente longuement sa méfiance instinctive envers les pouvoirs politiques et sa malsaine proximité et complicité avec le monde économique. De gauche depuis toujours, le journal, utilise un procédé qui était très courant avant la guerre chez eux, celui des faux entretiens, menés avec une rigueur toute professionnelle, entre gens visés, toujours facile à débusquer par l'absurde du prétendu interview. Albert Oustric est banquier et fait de la spéculation boursière un art. La faillite frauduleuse de sa banque deux ans plus tard éclabousse le monde politique français qui y a aussi la main lourde, puisque son président de la chambre des députés, Raoul Pérêt y est plongé. Le Canard sonne le glas. Au nom du Pérêt, du FISC et du Saint-Oustric.
1972
On révèle que le Premier Ministre Jacques Chaban-Delmas a trouvé un moyen légal de ne jamais payer d'impôts. On expose son stratagème et on met même la main sur son rapport d'impôt qu'on sert en Une. L'affaire fait tache. 2 ans plus tard, le gaulliste social annonce sa candidature à la présidence de la République, mais est lâché par 43 parlementaires emmenés par Jacques Chirac vers Valéry Giscard-D'Estaing qui deviendra le 5ème Président de la République.
1979
L'auto-proclamé empereur, mais surtout dictateur de la République centraficaine, Jean-Bedel Bokassa reçoit à de multiples reprises Valéry Giscard-D'Estaing entre 1970 et 1978. Chaque fois, le despote le couvre de cadeaux, dont des diamants d'une valeur inestimable. Quand Bokassa est trouvé coupable de la mort de centaine d'enfants, l'opinion internationale à son égard devient intolérable. VGE tente de se dissocier de sa proximité avec le brutal animal, mais les diamants brillent chez lui. Deux ans plus tard, François Mitterand le déloge dans sa fonction présidentielle. Le Canard qui en avait exposé tous les détails, réussit alors son plus gros coup.
1980
Le Canard découvre que des importantes remises fiscales ont été remises à deux gendres de Maurice Papon, alors ministre du budget. Un an plus tard, Le Canard expose "des actes contraire à l'honneur" perpétrés par Papon sous l'occupation, alors secrétaire de la préfecture de Gironde, quand la France est sous occupation nazie. En 1983, Papon sera inculpé pour crimes contre l'humanité et condamné à 10 ans de prison en 1998.
1993
Il est révélé que le Premier Ministre Pierre Bérégovoy a obtenu un prêt d'un million de francs de la part de l'industriel Roger-Patrice Pelat pour l'acquisition d'un appartement parisien. Le prêt est sans intérêt et quand l'étau se resserre sur Bérégovoy, il se suicide.
2002
Le Canard découvre un formidable appétit à Jacques Chirac, dont le couple offre des factures (appelés frais de bouche) de plus de 2 millions d'Euros entre 1987 et 1995 dans le seul hôtel de Paris, où il résidait lorsque de passage. Deux ans plus tard, l'enquête se soldera par un non-lieu.
2005
Hervé Gaymard est une étoile montante de la droite. Il est ministre de l'économie, mais qui brille trop à l'économie, en sait souvent trop sur comment jouer au filou. Le Canard découvre qu'il loge dans un appartement parisien, avec sa famille, un duplex de 600 mètres cubes, avec un loyer mensuel de 14 000 Euros, tout ça, pris en charge par l'État. Il est contraint de faire ses valises.
2008
L'émission de téléréalité Pekin-Express est une copie de The Amazing Race, où des concurrents doivent faire une série d'épreuves en couple, dans une sorte de course à relais à travers le monde; émission qui elle, est une adaptation parfaite (et payée) de l'émission Hollando-belge Peking Express. Le Canard révèle les nombreuses manipulations des producteurs dans ce qui est présenté comme juste pour tous, mais qui est en fait choisi par la prod. L'émission s'en défend, mais des témoignages sortent ici et là et d'autres journalistes d'ailleurs confirment. L'émission est retirée 6 ans plus tard.
2011
Alors que commencent les premières manifestations de ce qui deviendra le printemps arabe, Michèle Alliot-Marie, ministre des affaires étrangères multiplie les vacances sous les bons soins du royaume de Ben Ali. Elle obtient des largesses d'un homme d'affaire, très près du pouvoir et creuse sa tombe professionnelle en niant qu'elle y était en vacances alors que la présence de toute sa famille est prouvée. Elle démissionne quelques semaines plus tard.
Fin janvier, Le Canard découvre que la femme de François Fillon, Pénélope, a été employée d'une manière qui n'est pas illégale, à condition que l'emploi ne soit pas fictif. Elle aurait touché 900 000 euros pour avoir prétendument travaillé à La Revue des Deux Mondes, Ce que personne ne peut prouver et que tout le monde peine à mentir sur la chose. Une semaine plus loin, Le Canard révèle que, lorsque juge au Sénat. Fillon avait aussi engagé deux de ses enfants, les payant plus d'un million d'euros, pour des emplois encore non vérifiables.
Emmanuel Macron, vedette montante en France, pourrait être égratigné par les frais de bouche lui aussi...
Vaillante vigile et forme alternative de presse très attachée à la protection des sources d'information des journalistes qui trouve peu d'équivalents dans le monde, Le Canard Enchaîné couac encore.
Et barbote dans la bouette des plus sales d'entre nous.
En ayant un poids certain dans la société française.
*De Gaulle était si obsédé par l'image de lui que renvoyait Le Canard au peuple, qu'il demandait régulièrement "Qu'est-ce qu'on dit de moi dans le palmipède?"