Avec le lancement de la campagne électorale pour le prochain tour de manège élyséen, tous les prétendants à décrocher la queue de Mickey se sont pliés à l’étape indispensable de déclaration patrimoniale. Si certains candidats, qui n’en sont pas à leur premier parcours, ont fait connaître leurs possessions depuis un moment, d’autres, en revanche, se découvrent un peu pour un électorat avide d’informations croustillantes.
Evidemment, la surprise n’est guère énorme lorsqu’on parle de Jean-Luc Mélenchon, Marine Le Pen ou de François Fillon.
Le premier s’était déjà ouvert sur son patrimoine lors de la précédente campagne présidentielle où il avait même profité de l’occasion pour brocarder cette presse qui se repaît de façon un peu trop gourmande de ces détails affriolants qui, finalement, ne regardent que l’honnête homme : après tout, il pouvait aisément justifier des quelques biens immobiliers acquis au fil du temps et de quelques sommes rondelettes accumulées sur de modestes comptes épargnes.
Et ma foi, même si l’Express s’était, sur le moment, fendu d’un article intitulé « Patrimoine: Mélenchon n’est pas trop plébéien » que l’intéressé n’avait donc pas trop goûté, on ne peut que constater la modestie des sommes et possessions dont il est question et dont l’addition des montants dépasse probablement assez peu le million d’euros. Après 27 années passées dans la vie publique française, dont plusieurs mandats de sénateur, de député européen, de conseiller général et deux années comme ministre délégué, l’accumulation financière reste modeste.
Concernant François Fillon, non seulement son patrimoine est connu, mais en plus a-t-il bénéficié de l’épluchage en règle de toute une partie de la presse et notamment du Canard Enchaîné, épluchage qui aura d’ailleurs conduit à jeter le doute sur la solidité des emplois attribués à sa femme. Nonobstant, là encore on parle de sommes qui, si elles sont plus substantielles que celles de Jean-Luc Mélenchon, n’en restent pas moins relativement modestes. On est loin des patrimoines accumulés aux États-Unis par les Clinton et autres Obama qui se comptent en multiples millions.
Pour Marine Le Pen, le constat reste le même : si, là encore, les montants déclarés semblent un peu plus gros que ceux de Fillon ou de Mélenchon, on a bien du mal à attendre le million d’euros, barre peut-être trop symbolique pour que nos candidats se risquent à la franchir.
À vrai dire, c’est même suffisamment modeste pour qu’on se demande un peu où passe l’argent que ces élus touchent de leurs fonctions : après tout, tous les trois ont été pendant de longues périodes assez bien rémunérés par la République et on pourrait s’attendre à des économies plus substantielles. Manifestement, être élu impose un train de vie qui s’accommode mal d’une solide épargne.
Du côté des petits nouveaux, difficile de ne pas s’attarder aux cas de Benoît Hamon et Emmanuel Macron.
Le second est d’autant plus intéressant qu’il est connu pour avoir participé à une grosse fusion-acquisition pour le compte de la banque Rothschild et que cela lui a permis d’engranger presque trois millions d’euros. Son passage au secrétariat général de l’Élysée aura ajouté presque 400.000 euros de salaires. Si l’on découvre, au fil des informations disponibles dans la presse, qu’il a bien quelques comptes et assurances vies dont les montants totaux ne dépassent finalement pas le demi-million, ses déclarations ne permettent pas forcément d’en savoir plus sur son patrimoine total et ce qui reste effectivement des millions obtenus suite à sa courte expérience de banquier.
Bref, même après être passé par Rothschild, notre frétillant leader christique ne semble pas avoir conservé une grosse fortune personnelle.
Quant à Benoît Hamon, sa déclaration de patrimoine envoie autant de rêve que son programme politique : à part de l’immobilier (pour plus de 800.000 euros et dont plus de 70% n’ont pas encore été remboursés) et un fonds de retraite d’eurodéputé qui grimpe un peu au-dessus de 60.000 euros, ses comptes courants sont à la fois nombreux (une bonne demi-douzaine) et peu charnus (leur total n’excède pas 8500 euros). Même en ajoutant une vrombissante Opel Corsa à 10.000 euros dans l’escarcelle (qui paraît tout de même un peu plus sérieuse que le vélo de Taubira), tout ceci ressemble terriblement à un patrimoine moyen de français aisé, mais ni trop, ni trop peu.
À la lecture de ces éléments, pour chacun de ces candidats, un constat s’impose : être élu ne rapporte vraiment pas des masses. C’est même pire que ça : compte-tenu du risque de voir sa vie ainsi exposée dans les journaux, d’être si régulièrement trainé dans la boue par les journalistes voire de vilains blogueurs moqueurs, de se retrouver empêtré dans une enquête diligentée par l’un ou l’autre parquet financier soudainement soucieux à l’extrême de la bonne utilisation des fonds publics, on se demande exactement si les patrimoines accumulés et les sommes gagnées en valent la chandelle.
Pensez donc : on ne compte pas les heures de ces messieurs-dames ; on leur demande de courir la lande, presque tous les jours ; ils sont élus, je vous le rappelle, pour défendre vaillamment la veuve, l’orphelin, la République et la société française contre un peu tout ce qui va de travers dans ce bas monde ; et en échange, tout montre que les émoluments qu’ils reçoivent ne sont qu’une bien piètre compensation du sacerdoce, que dis-je, du sacrifice que ces individus nous font en se présentant ainsi, inlassablement, aux élections.
On en viendrait presque à se demander pourquoi ils sont si nombreux dans la course.
La seule explication raisonnable qui me vient à l’esprit est que le pays est si gravement malade des décisions politiques hasardeuses du passé que plusieurs belles âmes se sont levées pour tenter de le relever et lui donner un futur scintillant ; seule une situation presque perdue d’avance explique à la fois le nombre conséquent et l’abnégation de ces politiciens qui n’accumulent guère de patrimoine alors que leurs salaires sont très notoirement au-dessus de la moyenne et de la médiane française.
D’autre part, une autre question vient immédiatement à l’esprit à la lecture de ces patrimoines.
Lorsqu’on voit, justement, la difficulté que tous ces gens ont pour épargner et conserver un patrimoine conséquent, on ne peut que se demander si l’État n’est pas un trop terrible prédateur pour qu’il soit raisonnablement envisagé de le maîtriser dans son appétit fiscal vorace : si des élus, ceux-là même qui font les lois, ne parviennent pas à accumuler un peu de richesse, comment attendre des Français qu’ils sortent de la pauvreté, alors même que tous ces candidats s’y engagent d’une façon ou d’une autre dans leurs programmes ?
Alternativement, si ce n’est pas l’État qui leur ponctionne bien trop, on se demande si ces gens, incapables qu’ils semblent être d’accumuler vraiment du capital, sont bien dans la meilleure position pour gérer tout un État et ses centaines de milliards d’euros de budget, ses milliers de postes de dépense et ses myriades d’occasions de faire une grosse boulette coûteuse…
Plus simplement, faut-il vraiment voter pour des types qui vont gérer la France comme ils gèrent leurs propres affaires ?
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