Le PDG d’Uber, Travis Kalanick, a déclaré dimanche que son entreprise allait enquêter sur les allégations de harcèlement sexuel d’une ancienne employée dénonçant le sexisme au sein de l’entreprise.
Le département des ressources humaines d’Uber se penche actuellement sur les événements décrits par Susan Fowler, qui a occupé le poste d’ingénieure en fiabilité web du populaire service de covoiturage urbain, de novembre 2015 à décembre 2016.
Compte-rendu des allégations de Susan Fowler
Dans son plus récent billet de blogue, Fowler a expliqué les raisons qui l’ont poussé à quitter son emploi en décembre dernier :
«Lors de ma première journée officielle en rotation sur l’équipe, mon nouveau gérant m’a envoyé une série de messages sur le système de clavardage de l’entreprise. Il était dans une relation ouverte, disait-il, et sa petite amie n’avait pas de difficulté à trouver de nouveaux partenaires, contrairement à lui. Il m’a dit qu’il essayait d’éviter de s’attirer des ennuis au travail, mais qu’il ne pouvait pas s’empêcher d’avoir des problèmes, parce qu’il cherchait des femmes avec qui avoir des relations sexuelles. Il était évident qu’il tentait de me convaincre d’avoir des relations sexuelles avec lui, et [la conversation] a clairement dépassé les limites de l’acceptable que j’ai immédiatement prises des captures d’écran de ces messages et j’ai signalé la situation aux ressources humaines.»
Elle ajoute qu’elle a également fait part des indiscrétions du gestionnaire à la direction supérieure, tout comme d’autres employées d’Uber ayant eu à composer avec la même situation et avec la même personne. Des plaintes qui se sont vues butées à une fin de non-recevoir : l’homme en question n’allait pas être réprimandé, car c’était sa première offense, et qu’il comptait parmi les cadres ayant le plus haut rendement selon Uber.
Fowler s’est retrouvé alors devant un choix : changer de département ou continuer de travailler sous la gouverne du gestionnaire contre qui elle a porté plainte.
Elle a choisi d’être transférée, et a pu œuvrer au sein d’une équipe dans laquelle elle était heureuse et performante, alors que le gestionnaire problématique a finalement laissé son emploi (possiblement après avoir été invité par la direction). Mais lorsqu’arriva le moment de postuler pour une promotion et d’adhérer à un programme d’études supérieures de l’Université de Stanford parrainé par Uber, les résultats de son évaluation d’employée auraient été modifiés pour qu’elle ne soit pas éligible.
«Il s’est avéré que de me maintenir dans l’équipe faisait bien paraître mon supérieur, et je l’ai entendu se vanter au reste de l’équipe que bien que d’autres équipes perdaient des femmes ingénieures à gauche et à droite, lui en avait toujours quelques-unes sous sa gouverne.»
Enfin, une étrange histoire de vestes de cuirs offertes par Uber à tous les employés des équipes de fiabilité web, à l’exception des six femmes œuvrant dans ce département, a été l’élément déclencheur d’une confrontation entre Fowler et les ressources humaines :
La responsable des ressources humaines «m’a raconté comment certaines personnes de certains genres et origines ethniques étaient mieux adaptées à certains emplois que d’autres, et que je ne devais donc pas être surprise que le ratio des genres en génie soit disproportionné.»
«La responsable des ressources humaines a commencé la réunion en me demandant si j’avais remarqué que j’étais le thème récurent dans tous les incidents que j’avais rapportés, et si j’avais envisagé être la source du problème.»
«Elle m’a ensuite demandé si les femmes ingénieures d’Uber étaient amies et parlaient beaucoup, puis m’a demandé combien de fois nous communiquions entre nous, de quoi nous parlions, quelles étaient les adresses courriel que nous utilisions pour échanger, quelles salles de clavardage nous fréquentions, etc. – une requête absurde et insultante à laquelle j’ai refusé de répondre. Lorsque j’ai souligné combien peu de femmes travaillaient au département de fiabilité web, elle m’a raconté comment certaines personnes de certains genres et origines ethniques étaient mieux adaptées à certains emplois que d’autres, et que je ne devais donc pas être surprise que le ratio des genres en génie soit disproportionné.»
Moins d’une semaine après cette réunion, une rencontre a eu lieu entre Fowler et son supérieur pour l’informer qu’elle marchait dorénavant sur des œufs. Concrètement, elle a été invitée à se calmer sans quoi elle pouvait perdre son emploi. Fowler s’est rapidement retrouvé avec une offre d’emploi quelques jours plus tard.
Réponse de Kalanick
«Ce qui est décrit ici est abominable et va à l’encontre de tout ce à quoi nous croyons», a déclaré le PDG d’Uber, Travis Kalanick, en réaction aux allégations de Fowler sur Twitter. «Quiconque se comporte de cette manière ou croit que c’est acceptable sera renvoyé.»
«J’ai demandé à notre responsable en chef des ressources humaines Liane [Horsney] de mener une enquête de toute urgence. Il n’y a absolument aucune place pour ce type de comportement chez Uber», a-t-il conclu.
2/ I've instructed our CHRO Liane to conduct an urgent investigation. There can be absolutely no place for this kind of behavior at Uber.
— travis kalanick (@travisk) February 20, 2017
Arianna Huffington, fondatrice du Huffington Post et membre du conseil d’administration d’Uber depuis avril dernier, a pour sa part déclaré qu’elle travaillerait en collaboration avec Horsney afin d’approfondir l’enquête interne.
Just talked w/ Travis & as a representative of Uber's Board I will work w/Liane to conduct a full independent investigation starting now 1/2
— Arianna Huffington (@ariannahuff) February 20, 2017
De plus en plus de femmes œuvrant dans la Silicon Valley occupant en particulier des rôles dans des domaines très techniques ont manifesté avoir été victimes de misogynie et de harcèlement dans ce secteur plus masculin. Une pression plus forte se fait sentir auprès des entreprises de ce secteur pour bénéficier d’une main d’œuvre plus diversifiée, tant en matière de genres que d’origines ethniques.
Au moment où Fowler a intégré les rangs d’Uber, le département pour lequel elle travaillait était constitué à 25% de femmes. Lors de son départ en décembre dernier, ce nombre était de seulement 3% selon ses calculs.