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Grimod de la Reynière, prince des gastronomes

Publié le 20 février 2017 par Savatier

flamboyant, fantasque, avocat de formation, philosophe et critique théâtral par inclination, commerçant par distraction et gastronome par passion que Jean Haechler, spécialiste du XVIIIe siècle, consacre une très intéressante biographie, vivante et bien documentée, Grimod de la Reynière, prince des gastronomesSi Brillat-Savarin reste célèbre grâce à son ouvrage, Balthazar Grimod de la Reynière - un gastronome à la table des Lumières (Séguier, 280 pages, 21 €). Physiologie du goût, on a injustement oublié Balthazar Grimod de la Reynière (1758-1837) qui fut pourtant le père de la littérature gastronomique moderne. C'est à ce personnage surprenant,

Fils d'une descendante de noble lignée peu fortunée et d'un fermier général roturier, mais fort riche, Grimod présenta dès la naissance une infirmité des deux mains qui l'obligea à porter des prothèses dissimulées sous des gants. Cette disgrâce lui valut une froideur maternelle et une certaine indifférence paternelle. Il s'en vengea avec esprit en développant un sens peu commun pour la provocation, la mystification, les paradoxes et les comportements les plus excentriques.

" Père et mère, précise l'auteur, sont angoissés par la menace permanente que fait peser leur fils sur leurs réceptions. Que prépare-t-il ? Que va-t-il inventer ? Facétieux, il en rajoute, et pour s'amuser, il envoie à telle relation de sa mère, et de sa part, des poudres qui occasionnent des démangeaisons irrépressibles, voire qui rougissent ou noircissent la peau, et de la part de son père des sucreries purgatives, des confitures à la coloquinte mélangée d'ingrédients narcotiques ou aphrodisiaques. "

Parallèlement, et au-delà de ces facéties, Grimod mena une carrière de critique théâtral et littéraire. Peu commode dans ce rôle, il se lia toutefois avec les auteurs de son temps (notamment Beaumarchais, Marie-Joseph Chénier et Rétif de la Bretonne), fréquenta une foule de personnages hauts en couleur pourvu qu'ils n'appartinssent pas à une aristocratie ni à un clergé qu'il exècrait.

Ces amis participeront aux Déjeuners philosophiques - nous en venons à la gastronomie - qu'il donnait chez lui à jours fixe et à des festins parfois étranges qui lui valurent une solide réputation. Un nombre plus restreint fut convié aux Déjeuners du mercredi qui se tenaient au Rocher de Cancale, célèbre restaurant où Balzac, lorsqu'il était argenté, entrait en criant à qui voulait l'entendre : " Garçon, un cent d'huîtres ! "

En 1803, il fonda un Jury dégustateur qui décernait, au cours de réunions très ritualisées, des diplômes aux commerces de bouche qui offraient les meilleurs produits. Ces expériences le conduisirent à publier, de 1803 à 1812, un Almanach des Gourmands qui connut un large succès européen, puis sans doute son chef-d'œuvre, le Manuel des Amphitryons (1808). Cet ouvrage, très complet, reste une référence très imprégnée de l'art de vivre qui s'était développé au Siècle des Lumières. Il contient un fabuleux traité de la dissection des viandes, un non moins surprenant traité des menus et des " éléments de politesse gourmande " d'une sophistication savoureuse.

Alexandre Dumas, qui le cite à de nombreuses reprises dans son Dictionnaire de cuisine, en avait, dans son chapitre introductif, laissé ce portrait :

" Grimod de la Reynière était un des héros de cette époque. [...] Fort élégant dans sa jeunesse, il avait été présenté à Ferney et avait vu Voltaire. Sa santé était solide, son estomac inébranlable; il est mort à quatre-vingts ans, ce qui a permis à son neveu, M. le comte d'Orsay, de me présenter à lui. Il nous retint à dîner, et nous donna un des meilleurs dîners que je me rappelle avoir mangés. "

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À propos de T.Savatier

Ecrivain, historien, passionné d'art et de littérature, mais aussi consultant en intelligence économique et en management interculturel... Curieux mélange de genres qui, cependant, communiquent par de multiples passerelles. J'ai emprunté aux mémoires de Gaston Ferdière le titre de ce blog parce que les artistes, c'est bien connu, sont presque toujours de mauvaises fréquentations... Livres publiés : Théophile Gautier, Lettres à la Présidente et poésies érotiques, Honoré Campion, 2002 Une femme trop gaie, biographie d'un amour de Baudelaire, CNRS Editions, 2003 L'Origine du monde, histoire d'un tableau de Gustave Courbet, Bartillat, 2006 Courbet e l'origine del mondo. Storia di un quadro scandaloso, Medusa edizioni, 2008

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